« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
« La langue est le glaive du roi ! Les mots valent plus que tous les combats. »
(Merikarê)
J'aurais dû jouer la fille surprise et écervelée lorsque Hadès nous téléporta au sommet du Sphinx. J'aurais dû être troublée. Oui, j'aurais dû être beaucoup de choses afin de ne pas éveiller les soupçons. Hélas, j'avais tant réfléchi à tout ce qui aurait pu être que j'en avais oublié l'essentiel.
Aphrodite. Ce mot, anodin en somme, qui n'avait pas sa place à une telle époque. Il venait de me piéger si facilement que j'en étais stupéfaite. Perplexe de ma propre stupidité.
Anatole gisait en contrebas, dans le sable. Ses bras et jambes étaient tordus dans un angle inquiétant, telle une marionnette désarticulée. Il faisait penser à une peinture égyptienne, car il était étendu presque de profil. Je sentis ma gorge se serrer tandis que je l'observais, mes sandales juste au bord de la coiffe du Sphinx. Il était bel et bien mort. D'une telle hauteur, il ne pouvait en être autrement. Etrangement, je n'éprouvais pas de chagrin. Je nourrissais l'espoir secret qu'il renaisse de ses cendres, comme il le faisait à chaque fois. Cependant, quand reviendrait-il ? A quel moment, quelle époque ? Allait-il ressurgir en Egypte Antique ou ailleurs dans le Temps ? Pourrais-je le retrouver ?
Pour l'instant, je devais me focaliser sur Hadès qui exigeait des réponses sur mon identité. Ce que je pouvais parfaitement comprendre. Je commençai par prendre une attitude effarouchée, ce qui me coûta beaucoup, mais je devais lui faire croire que je redoutais le même sort qu'Anatole. Mon esprit vagabondait à vive allure, cherchant une échappatoire, une raison logique et irréfutable de mes connaissances sur des dieux inconnus à tous les Hommes de ce Temps...
"Je... je suis la fille véritable de l'un d'entre vous. La fille d'un dieu. J'ignore lequel car ma mère n'a jamais voulu me le dévoiler et elle est morte maintenant. Je cherche juste à me rapprocher de vous... de ma famille."
Quel détestable mensonge... En réalité, si j'avais pu, je me serais enfuie sur-le-champ. D'ailleurs, qu'est-ce qui m'empêchait de le faire ? Hadès serait trop surpris pour réagir. De plus, je pouvais cacher mon aura. Il ne me retrouverait jamais. De toutes façons, il risquait d'être encore plus friand de questions auxquelles je n'aurais aucune réponse immédiate. Je rencontrais des difficultés à trouver des réparties convaincantes dans ce genre de situation délicate.
Tout en pivotant vers Hadès, je repris d'un ton faussement inquiet :
"Ma mère m'a donnée vos vrais noms avant de mourir. C'est tout ce qu'il me reste comme piste. J'ai su que c'était vous car... vous faites des choses qu'aucun être humain ne peut rêver. Les flammes, les voyages instantanés sans besoin de char ou de bateau... Vous êtes différent."
Tout en parlant, je m'approchai de lui, espérant le troubler. Oh, cela me coûtait tant de me comporter ainsi... Je colorais ma voix de nuances suave et ingénue afin de mieux l'égarer. Je me sentais parfaitement ridicule. Heureusement, j'avais à faire à une cible qui manquait de distinction et de raffinement. Hadès croyait probablement que j'étais sous son charme et que dans ma tentative de lui plaire, j'étais prête à tout.
Au moment où j'aurais dû prendre sa main afin de lui prouver mon inclination, je me ravisai et disparus. J'entendis son exclamation perplexe du haut du Sphinx alors que je venais de réapparaître tout en bas. Avec mes mains, je remuai le sable qui gardait encore la forme du corps d'Anatole.
"Où es-tu, sombre imbécile ?" marmonnai-je en soulevant des gerbes de sable. "Tu n'aurais pas pu attendre une minute de plus pour te changer en cendres, évidemment !"
Je n'avais plus de temps : Hadès allait arriver. Il n'était pas aussi sot que j'aurais aimé le croire. Son ombre tomba sur moi mais la seconde qui suivit, je n'étais déjà plus là.
Je me téléportai au centre du Caire, dans le tumulte de la ville aux mille odeurs. Tandis que je me déplaçai parmi la foule, certains regards se posèrent sur moi, curieux. Je baissai les yeux sur ma tenue, réalisant que ma robe de princesse contrastait beaucoup trop avec leurs oripeaux ternes. Aussi je voulus me trouver d'autres vêtements plus passe-partout. Il me fallait un endroit à l'abri des regards pour faire apparaître une autre robe plus simple. Puis, je réalisai qu'il était trop dangereux d'utiliser plus avant mes pouvoirs pour l'instant, car Hadès risquait de remonter ma piste. J'employai toute mon énergie à cacher mon aura, je ne pouvais faire plus. Pour le moment, je devais adopter un profil bas. Arpenter les rues guère passantes me semblait le plus approprié. Hélas, lorsque je m'attardai dans une ruelle que je pensais déserte, je découvris un homme lourd et gras qui me décocha un regard encore plus... gras.
"Elle est bien jolie la donzelle." dit-il en fronçant son oeil gauche barré par une balafre. "Elle vaut au moins quinze chameaux, peut-être même seize."
"C'est beau de rêver, mais il faut savoir se réveiller, de temps en temps." répliquai-je, pas du tout d'humeur pour dialoguer avec un vendeur d'esclaves.
"Et elle sait utiliser sa langue, en plus !" dit-il en faisant claquer la sienne, visiblement ravi. "Pour sûr, tu vas me rapporter gros à Alexandrie."
Je l'aurais bien assommé, mais je me rendis compte que voyager par le biais d'un vendeur d'esclaves était peut-être la meilleure des cachettes qui soit. Nul besoin de se téléporter, et personne ne s'attarderait sur moi avant notre arrivée dans la prochaine ville, car je savais que les types comme lui gardaient leurs plus gros "joyaux" jalousement cachés derrière des draperies. Je l'avais lu dans un roman. En espérant que l'auteur ait respecté les faits historiques...
Je me laissai donc embarquer dans cette aventure insensée. Si j'avais su qu'un jour je deviendrais une esclave...!
"Setepenrê... Princesse, fille de Pharaon, puis esclave..." murmurai-je dans ma cage en métal ballotée au gré de la marche. "Qu'adviendra-t-il ensuite ? Scribe ? Prêtre embaumeur ?"
Je parlais trop bas pour que quelqu'un m'entende. J'avais le "grand luxe" de bénéficier d'une cage pour moi toute seule, contrairement aux autres esclaves qui s'entassaient dans des espaces minuscules. Le vendeur avait dit qu'il ne souhaitait pas que ma robe s'abîme, car j'avais beaucoup plus de valeur ainsi. Je m'étais contentée de soupirer. C'était incroyablement navrant.
Nous nous arrêtâmes enfin au bord du Nil, alors que la nuit était déjà bien avancée. Je me plaçai juste devant les barreaux et observai la lune et les étoiles, sur la voûte bleu marine. Les constellations étaient différentes.
Je songeai à Anatole, espérant qu'il avait regagné notre époque. Je commençai à m'inquiéter à son sujet. Et puis... je me sentais incroyablement isolée, seule dans l'Egypte Antique. J'étais une solitaire dans l'âme mais cette fois-ci, c'était un peu trop.
J'appuyai mon front contre l'un des barreaux. Même à cette heure, l'air était moite. La chaleur semblait stagner et ne diminuait pas.
J'entendis remuer derrière moi et je sursautai. Pivotant dans mon petit espace, je me plaquai contre les barreaux en voyant une masse informe approcher de moi.
"Arrière, démon !" m'écriai-je, le coeur battant.
Que m'arrivait-il ? Etais-je vraiment en train de devenir une jouvencelle en détresse ? Je songeai que je pourrais peut-être faire apparaître une massue afin d'assommer l'inconnu qui était entré je-ne-sais-comment dans ma cage minuscule, jusqu'à ce que la lune éclaire son visage.
"Toi ?" fis-je, désarçonnée. "Il t'a fallu tout ce temps pour revenir ?"
Passée mon moment de frayeur, je sentis une rage sourde s'emparer de moi. Je m'approchai de lui juste assez pour lui coller une tape sur le sommet du crâne en lui administrant un :
"Imbécile !"
Anatole étouffa un "Aïe" et je retournai m'adosser contre les barreaux, croisant les bras.
"Ne fais pas de bruit. Si les vendeurs d'esclaves t'entendent, tu es un homme mort. Encore. Je ne pense pas que tu serais susceptible de les intéresser. Tu n'as rien d'exceptionnel, hormis le fait de te changer en cendres et d'apparaître au moment le plus inopportun."
Comment avait-il fait pour me retrouver ? Etait-il lié à moi étant donné que je l'avais fait voyager dans le temps ? Existait-il un fil invisible qui était tissé et que rien ne pouvait casser ?
Je n'aurais pas été jusqu'à prétendre que j'étais soulagée de le voir, même si... effectivement, je me sentais un peu plus légère. Un peu. Pourtant, je n'en laissais rien paraître, l'observant d'un air réprobateur et dédaigneux.
crackle bones
Anatole Cassini
« Maîïîtreuuuh !!! »
| Avatar : ➹ Bill Nighy & John Krasinski
« Il existe 175.000
espèces de papillons... »
« Le papillon ne compte pas
les mois, mais les moments.
Ce qui lui confère suffisamment
de Temps pour vivre, ressentir, aimer. »
| Conte : ➹ Intrigue Divine | Dans le monde des contes, je suis : : ✲ Le Titan Hyperion, un papillon étoilé.
Je fis craquer les feuilles sous mes pieds. Une chaleur agréable m'engloba. L'air emplissait mes poumons. Je vis au loin de hautes montagnes qui zébraient le ciel. Des oiseaux passèrent au dessus de moi, tandis que d'un épais feuillage, sortit un très long cou, qui s'étendit jusqu'à moi pour prendre une étoile d'arbre sur la plus haute cime au-dessus de ma tête. Le soleil m'éblouis, comme si il était content de me voir et qu'il me saluait. La Vallée aux Merveilles. J'y étais de retour.
Elle se tenait là, devant moi, un regard fatigué mais heureuse de me revoir. Je lui adressa un petit sourire encourageant. Elle était belle comme sa mère, forte comme son père et elle n'en restait pas moins quelqu'un d'unique. Elle s'adressa à moi et me rappela une fois de plus que la mort n'est pas nécessairement une bonne chose et que ça a pour effet d'affecter mon métabolisme, ce qui finira un jour par l'empêcher de se régénérer. Je savais très bien tout cela, tout comme elle savait que j'en étais conscient.
« C'est la dernière fois, promis. » mentis-je. Elle se contenta de hocher la tête en me demandant comme à chaque fois si tout se passait bien. Et je lui répondis une fois encore que oui, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais je mentais et elle le savait.
J'huma une dernière fois l'air avant de me préparer à partir, quand je remarqua un changement. Quelque chose était différent et je pouvais le percevoir. Cassandre croisa mon regard avant de me rappeler une chose essentielle.
« Pas maintenant. »
Car il n'était jamais bon de savoir trop de choses. Je lui faisais confiance plus qu'à quiconque. Je pourrai sacrifier ma vie pour elle si j'en avais les moyens. Je me concentra sur la jeune femme qui me fit revenir à l'époque où j'avais trouvé la mort, encore.
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« Ne fais pas de bruit. Si les vendeurs d'esclaves t'entendent, tu es un homme mort. Encore. Je ne pense pas que tu serais susceptible de les intéresser. Tu n'as rien d'exceptionnel, hormis le fait de te changer en cendres et d'apparaître au moment le plus inopportun. »
Je secoua la tête de gauche à droite. Encore une fois, Ellie faisait preuve d'une très grande gentillesse et d'un immense fair play envers moi. Elle possédait un tact légendaire et une façon bien à elle d'amener les choses. N'empêche, je souriais, comme à chaque fois.
« Comment tu as pu te retrouver enfermer dans un tel endroit ? Tu n'as pas songée à leur dire qui tu étais ? »
Voyons son regard, je me douta qu'elle l'avait soit déjà fait, soit qu'elle avait une bonne raison pour ne pas le faire. Peut-être qu'elle jugeait plus prudent de se faire vendre au meilleur offrant, pour passer inaperçu. C'était un plan comme un autre, même si j'aurai sans doute opté pour celui de dire qui elle était, tout simplement.
« Il va falloir qu'on retourne à notre époque. Et inutile de me dire que tu ne peux pas y arriver, car je le sais, même si là on aurait bien besoin que tu y arrives et sans vouloir te presser, le plus vite sera le mieux. » dis-je en approchant d'elle, même si c'était pas facile de bouger dans un endroit aussi dimiué. Puis, je lui pris les deux mains, quitte à me faire refouler une fois encore.
« Il faut te concentrer, penser à ce que tu souhaites. C'est peut-être aussi simple que ça. Je t'aurai bien proposé de t'embrasser, mais ça a tendance à influencer que sur ta taille et non pas sur le Temps. »
Mon sourire voulait tout dire. Je ne me fichais pas d'elle, mais j'adorai la taquiner à ma manière, espérant à chaque fois voir naître un sourire sur son magnifique visage. Pendant quelques instants, je bugua sur son visage, me rendant compte de quelque chose qui m'avait toujours passé par dessus l'esprit, mais là ça sonnait comme une évidence.
« Je t'ai déjà dit que tu ressembles beaucoup à ton père ? »
Elle avait ses yeux bleus, son visage fin, ses cheveux plutôt raides mais en même temps magnifiquement beaux. Si il y avait bien une chose qu'elle ne pouvait pas nier, c'était bel et bien qu'elle était la fille d'Hadès. Je ne savais pas si ce genre de révélations était du style à lui faire plaisir ou si au contraire j'allais énerver la bête.
« Et si tu pensais à lui ? Enfin à celui de notre époque ? Ca nous permettra peut-être de revenir... » lui dis-je confiant. « Je crois en toi Ellie. » ajoutai-je en serrant un peu plus ses mains dans les miennes. « J'ai toujours cru en toi. »