Depuis décembre et le pamphlet d'une certaine Angela Pink sur Dimitri, Anastasia avait perdu l'habitude de lire le journal. Elle s'en était carrément désabonnée, songeant que cela ne pourrait que lui faire du bien aux nerfs. Et force était de constater que ça avait marché : Anya cassait beaucoup moins de tasse quand elle n'avait rien à porter de mains qui salissait la réputation de son grand amour.
Ceci étant dit, le temps commençait doucement à faire son travail. D'après ce que la rouquine avait pu voir en passant devant le kiosque en centre-ville, Dimitri ne faisait plus les gros titres depuis un bout de temps. Le malheur des uns chassant toujours celui des autres, la tentative d'assassinat avait été remplacée par d'autres faits et encore d'autres. Pourtant, la jeune femme ne s'était pas réabonnée au journal, se trouvant tout de même mieux sans lui. Elle savourait néanmoins l'impression de ne plus être dévisagée dès qu'elle mettait le nez dehors. Apparemment, les Storybrookiens avaient la mémoire aussi longue que celle des journaux. A moins que ce ne soit l'inscription fiancée d'un meurtrier qu'elle avait longtemps eu l'impression d'avoir sur le front ne soit parti à force de se doucher... L'un dans l'autre, Anastasia savourait son retour à l'anonymat et sortait quotidiennement, baladant Abigaëlle dans la poussette dont Marie lui avait fait cadeau.
Chaque après-midi, la mère et la fille allaient voir le jeune papa dans sa cellule, y restaient aussi longtemps que la brute épaisse qui en servait de gardien daignait l'autoriser et repartaient chez elles, dans la maison de Dimitri à l'orée de bois où la rouquine reprenait son travail jusqu'au soir.
Les jours s'égrenaient ainsi. Janvier avait fait place à février et une fête des amoureux avortée pour les tourtereaux russes. Anya avait récemment eu 23 ans, anniversaire qu'elle n'avait pas réellement fêté, faut de conditions idéales. A présent, mars allait bientôt poindre le bout de son nez, ramenant le printemps dans ses valises et peut-être aussi de bonnes nouvelles.
Le joues rosies par le timide soleil de février, Anastasia promenait sa fille dans le centre de Storybrooke quand un détail inhabituel attira son attention au niveau du kiosque à journaux. Elle qui ne s'y arrêtait d'ordinaire pas fit une exception à cette règle pour y voir de plus près et s'assurer qu'elle n'avait pas rêvé.
Et, en effet, elle n'avait pas rêvé : il s'agissait bien d'une photo de Puka sur la une du canard. Intriguée, Anastasia acheta le journal et, trouvant un banc libre en plein soleil, s'assit pour le consulter.
Apparemment, Anita avait fait passer une annonce afin de retrouver Puka. Une excellence idée, jugea la rouquine en lisant plus en détail. Apparemment, le journal se trouvait en charge de récolter les informations éventuelles que pourraient détenir les habitants. Il n'en fallut donc pas plus pour convaincre Anya d'y faire un tour, d'autant plus que le journal se trouvait à deux pas de là.
Reprenant sa route en compagnie d'une Abigaëlle somnolente, la jeune femme arriva bientôt au journal, le papier froissé toujours entre ses mains. Elle réalisa alors que Dimitri avait travaillé dans ces locaux mais qu'elle n'était jamais venue l'y voir. Il s"agissait là plus ou moins d'un accord tacite entre eux deux. Dimitri n'aimait pas parler de son travail. En fait, il n'aimait probablement pas qu'elle s'y intéresse, jugeant plus sage de la tenir éloignée des affaires sordides dans lesquelles il plongeait son nez toute la journée. D'ailleurs, il rangeait précautionneusement la moindre feuille de travail qu'il ramenait chez eux, de sorte à ce qu'elle ne tombe pas dessus à moins de fouiller. C'était bien les seules choses qu'il rangeait aussi scrupuleusement, à bien y réfléchir.
Plantée dans un coin de l'entrée, Anya se demandait où se trouvait le bureau de Dimitri et si quelqu'un avait pris sa place. Jusqu'à présent, les salariés du journal étaient bien trop occupés pour lui prêter une quelconque attention, lui laissant le loisir de divaguer en silence en berçant Abigaëlle dans sa poussette.
Plus les secondes passaient et plus elle se demandait pourquoi elle était venue. Avait-elle le droit de demander des informations sur Puka si ce n'était pas elle qui avait fait l'annonce ? Et si oui, à qui ? Peut-être aurait-elle du appeler Anita avant, lui suggérer de venir avec elle. Mais non. Comme toujours, Anastasia avait agi d'instinct, spontanément.
Finalement, elle aperçut une femme élégamment vêtue sortant d'un bureau au nom de Faith Sekind, non qui lui rappelait vaguement quelque chose, probablement parce que Dimitri l'avait un jour mentionné, et porta son choix sur elle, d'autant plus qu'elle marchait dans sa direction.
- Excusez moi, demanda la rouquine en arrêtant la dame élégante. Je venais parce que j'ai vu cette annonce dans le journal, je voulais savoir si elle a porté ses fruits mais je ne sais pas à qui je pourrais m'adresser... Vous sauriez m'aider ?

Le coup ? Quel coup ? Anastasia cligna des yeux, déconcertée. Mais de quoi est-ce qu'elle parlait, avec son air furieux et son regard qui passait d'Anya à Abigaëlle puis à l'annonce avant de recommencer son manège ? Il semblait à la jeune femme qu'elle entendait ses propres neurones s'entrechoquer devant l'urgence de la situation. La femme avait beau être en tailleur, ses yeux tiraient des éclairs et sa voix grondait comme le tonnerre. Soit elle avait passé une mauvaise journée, soit elle connaissait quelqu'un à qui Puka manquait...
C'est ça ! triompha mentalement l'ancienne impératrice. Anita ! La dame connaissait Anita ! Ca expliquait au moins qu'elle soit en colère, à défaut d'expliquer le reste de ses paroles sibyllines. Quel coup avait-il pu...
- Oh ! Attendez, vous croyez que Puka est le... père de mon bébé ?! réalisa Anastasia, incrédule. Grands dieux non ! On est juste amis. Mais Anita - vu votre tête je suppose que vous la connaissez - était très inquiète - en fait, elle a carrément débarqué chez moi exigeant que je lui dise où il se cachait, ce que bien sûr je ne sais pas - et puis j'ai vu l'annonce alors je me suis dit que peut-être je pourrais rapporter un début de réponse à Anita. Enfin bref, je suis Anastasia et j'étais à la recherche de nouvelles concernant mon ami de longue date, Puka, se présenta t-elle en tendant la main vers la femme, à présent aussi confuse qu'elle avait pu l'être quelques instants plus tôt.
Après quelques instants, la rouquine reprit :
- Pour être honnête, je pensais que vous étiez Faith Sekind, la supérieure de mon compagnon, Dimitri. Pour le coup c'est lui le père du bébé, pas Puka. Mais apparemment vous n'êtes pas elle. Un partout, sourit la jeune femme.
Pouvait-on faire rencontre plus étrange ? Probablement pas. Anastasia se demandait encore d'où elle avait pu croire que Puka avait pu sortir à la foi avec Anita et engrosser une autre femme. Pour le coup c'était une théorie aussi farfelue qu'un épisode d'un soap opéra. Mais à Storybrooke, dans les faits, c'eut été possible. Mais pas avec Anya. Pas avec une femme qui ne reconnaissait un réel intérêt qu'à un seul homme, si horripilant et en prison qu'il puisse être. Puka... c'était simplement Puka. Un ami. Un très bon ami. Un confident. Mais pas plus, surtout pas plus. Jamais. Grands dieux, je vais jamais m'en remettre, songea Anastasia.

- Et moi c'est Anastasia, ajouta la jeune femme en tendant sa main droite à April. Vous pouvez m'appeler Anya, ajouta la rouquine comme toujours. Enchantée.
Dimitri ne lui avait parlé que de Faith, probablement parce qu'il n'avait jamais pris le temps de demander à sa supérieure si elle avait de la famille. Ce n'était pas vraiment son genre, faire la conversation. Anita, en revanche, avait déjà mentionné April, mais cela ne la rendait pas plus reconnaissable physiquement ! Surtout quand elle sortait du bureau de Faith Sekind et qu'on avait simplement lu son nom sur l'avis de recherche de William - qui lui, en revanche, était logiquement en photo.
April avait l'air d'une femme importante. Du moins, elle en avait la tenue - un tailleur impeccable et pas un cheveu de travers. April avait l'air importante. Anita n'avait-elle pas dit qu'elle avait été reine de son pays ? Si, sûrement... Et ici, elle occupait sans doute une position importante au sein de la ville. A la mairie, peut-être ? Si c'était le cas, Anya espérait qu'elle veillait au grain et surveillait Aloysius Black !
Mais ça, bien sûr, elle n'allait pas demander. Anya était venu pour Puka et April venait de donner la réponse : il n'avait pas donné signe de vie, ce que la rouquine redoutait, d'ailleurs. Dommage, elle n'aurait pas de bonne nouvelle à annoncer à Anita... quoiqu'April s'en serait déjà chargée, non ? Au lieu de quoi elle semblait désolée de ne pas avoir de nouvelles de William et cherchait, apparemment, à se faire pardonner.
Anastasia sourit en entendant sa remarque sur le café. Elle jeta machinalement un regard en direction de la machine sur sa gauche avant de reporter son attention sur April.
- Les journalistes doivent avoir l'habitude, commenta t-elle, songeuse. Ou alors ils sont trop concentrés pour faire attention à ce qu'ils payent une fortune pour se maintenir éveiller.
Anya, bien sûr, ne connaissait pas ce problème. Premièrement, elle travaillait depuis chez elle, ce qui impliquait de se nourrir elle-même tous les jours. Deuxièmement, elle trouvait le café, quel qu'il soit, trop amer pour son palais et n'en buvait jamais.
- Mais peut-être souhaiteriez vous voir ma sœur. Si c'est le cas je peux le lui dire, avait finalement repris April, se rappelant sûrement de leur malentendu de tout à l'heure - et quel malentendu, d'ailleurs !
- Oh non, ne vous dérangez pas. Ou ne la dérangez pas, à vous de me dire. Mon fiancé a toujours l'air de dire que le journal croule sous le travail... Je venais pour avoir des nouvelles de William... et j'ai eu ma réponse, merci ! Je... euh... je voudrais pas vous dérangez plus longtemps, vous étiez peut-être pressée ? Si vous ne l'êtes pas on pourrait toujours trouver un meilleur endroit pour boire, j'aimerais beaucoup avoir des nouvelles d'Anita. Je ne lui ai pas parlé depuis un moment... manque de temps, malheureusement. Enfin si vous êtes pressée, je vous retiens pas !

Faith n'avait, a priori, aucune raison de ne pas apprécier Anastasia. On pouvait donc inférer qu'elle l'aurait reçue volontiers. Et la rouquine aurait été heureuse de rencontrer enfin une femme qui avait passé tellement de temps à travailler avec Dimitri.
Mais le destin en avait décidé autrement et ce n'était pas nécessairement une mauvaise chose. En dehors de sa précipitation à tirer des conclusions, April avait l'air d'une femme toute aussi agréable, de bonne compagnie et encline à socialiser :
- Eh bien, je n'ai rien d'autre à faire de ma journée puisque je viens de la terminer, alors je ne serais pas contre aller boire quelque chose. Je connais un petit café pas loin, on peu aisément y aller à pied, proposa t-elle tout de go.
- Entendu ! ça m'a l'air parfait ! accepta Anastasia avant que les deux femmes ne se mettent en route sans plus attendre.
Anastasia était curieuse de voir où elle allait l'emmener. Pas le Granny's, apparemment, sinon elle en aurait donné le nom, pas vrai ? Toute la ville connaissait le Granny's, en plus, il n'était plus la peine de faire des mystères autour de cet endroit depuis longtemps. C'était d'ailleurs l'un des rares endroits où la rouquine aimait se rendre pour travailler quand elle en avait marre du calme. Mais les autres cafés, elle ne les avait jamais essayés, l'habitude ayant apparemment force de loi.
- En tout cas félicitations, reprit April une fois à l'extérieur pour alimenter la conversation. Vous avez un très beau bébé.
Aussitôt, la bouche d'Anya s'étira en un large sourire. Pauvre April... elle ne se doutait probablement pas qu'il ne fallait pas lancer la jeune traductrice sur le sujet au risque qu'elle en parle pendant des heures, de sa merveilleuse fille.
- Oh oui, Abigaëlle est adorable, y a pas de doutes ! s'exclama Anya. Et elle fait ses nuits maintenant, ce qui la rend encore plus adorable. Pas vrai mon bébé ? Elle m'apporte beaucoup de joie... Je ne me voyais pas particulièrement mère, bien que j'ai toujours voulu une famille. J'avais et j'ai sans doute encore peur de mal mais quand je la vois je me dis que c'est une évidence. Qu'on est faites l'une pour l'autre. Ca vous change la vie, un bébé. Ca vous rend bavarde. Surtout quand quelqu'un vous dit que votre bébé est adorable, ajouta Anastasia avec un sourire.
Avec autant de paroles, la jeune femme avait à peine fait attention où elle et April allaient. Cette dernière, d'ailleurs, lui fit bientôt signe qu'elles étaient arrivées devant le café en question et lui tint même la porte le temps qu'elle et la poussette n'y pénètre.
Pas de doute, c'était bien différent de Granny's. Plus intimiste. Plus calme. Ici, elles auraient peu de chance d'être au courant s'il se passait quelque chose d'inhabituel. Et elles avaient un plus grand choix de tables libres.
Les deux femmes optèrent pour une banquette près de la fenêtre, dans un coin de la salle où l'on pouvait garer une poussette sans que les serveuses n'aient à se faire acrobates.