« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
❝ No one can be fully aware of another human being unless we love them. ❞
27 Novembre 2015.
Il avait suffi d’un seul mot. D’une toute petite phrase insignifiante, dite sur un ton de confidence, pour que tout bascule. Je revoyais encore le visage d’Angela face au mieux, une lueur décidée dans le regard et les lèvres pincées dans un rictus fataliste. Elle avait parlé, discouru pendant plusieurs minutes, mais c’était une portion infime de sa logorrhée verbale qui avait attiré mon attention et tourné le verrou que je refusais jusque-là d’enlever. Une clef glissée dans la serrure de mon âme afin d’en libérer les pires horreurs qu’Aloysius m’avait aidé à enfermer. Nous avions chassé les démons, banni les esprits et apaisé la tourmente d’un naufrage en perdition… Mais rien ne me prédestinait à devoir briser les chaînes moi-même.
J’avais donné un grand coup dans toutes mes bonnes résolutions, oubliant par la même tout ce qui me maintenait encore debout : la raison. La dignité. L’honneur. Je devais faire honneur à mon ami disparu, personne ne pouvait l’enlever et personne ne pouvait le remplacer. Jamais. Il était là, puis il avait disparu, et cette femme avait pris sa place comme si elle en avait le droit. Un maire évincé pour laisser le trône à une créature infernale, venue directement des enfers dans le but de tous nous exterminer. Un Némésis. Une aberration. Un piège tendu auquel tout un chacun sombrait sans même regarder où il mettait les pieds… Que leur fallait-il, pour qu’ils ouvrent les yeux ? Que leur manquait-il, à tous, pour voir comme nous, nous voyions ? Angela était sûre d’elle, certaine et affirmative dans ses propos. J’étais de son avis.
Clarisse avait fait disparaître Aloysius Black… Il fallait donc l’effacer à son tour pour qu’il revienne.
La notion était limpide comme de l’eau de roche, apparaissant comme la solution la plus évidente à tous les tourments qui s’emparaient de moi. Je ne dormais plus, ou sans m’en rendre compte. Mon esprit vagabondait hors du temps et de l’espace avant de me revenir dans un claquement brutal, réalisant que j’étais debout sur une route abandonnée ou bien allongé sur un canapé qui n’était pas le mien. Je m’endormais au travail, me réveillais dans ma voiture, relatais des bribes de souvenirs ou d’instants vécus sans être certain qu’ils étaient liés à moi. Je voyais des visages, entendais des suppliques, visualisais le sang qui s’étalait sur une chemise impeccable et en tâchait jusqu’à l’essence même. Des traces sur un mur. Des bruits de coups. Une respiration haletante. Etait-ce un rêve ? Un souvenir ? Le mien ou celui d’un autre ? Je ne savais plus. Je ne comprenais plus.
Chassé, puis chasseur. Après avoir tant couru pour sauver ma propre vie, je venais d’arrêter mes pas pour me planter en plein milieu de la voie. Fixer mes bottes lourdes et extirper des volutes de vapeur à la moindre de mes respirations. Il faisait frais, ce soir, vraiment très frais. Une fin de Novembre glaciale et un temps à ne pas laisser un chien dehors, même les plus seuls ou les plus perdus. J’observai la glace qui se formait peu à peu sous la brume, frissonnant en imaginant la morsure du froid sur la chair. Un temps idéal pour la conservation, plonger le monde en suspens pendant des mois et pouvoir y revenir bien plus tard sans que rien n’ai bougé ni changé. La cryogénisation, l’avenir de cette espèce, se basait sur le simple fait que le froid endormait sans tuer… Ceux qui avaient élaborés de telles idées ignoraient passablement que la fraîcheur était l’alliée des morts, non des vivants. Congeler un corps le rendait plus rude, renforçait la graisse et donnait à la chair une saveur singulière ; cela n’entraînait en rien le maintien d’une activité cellulaire, bien au contraire, ça la stoppait. J’avais l’impression de voir ces cellules. De les imaginer bouger devant mon regard, s’alarmant des cristaux en train d’envahir tout l’espace pour les cloisonner et les dévorer à leur tour. Eventrer les vaisseaux. Déverser le sang grumeleux et le révéler à la nature sous sa fumante apparence. Le vent aussi avait droit à sa part, rien n’était laissé au hasard.
Je papillonnai du regard, chassant l’image macabre d’un tel dessein pour ensuite déglutir, sentant l’un de mes poings se serrer et se mettre à trembler. Je lui adressai un regard condescendant, caressant la jointure de mes doigts pour lui intimer de se calmer. De ne pas trahir. De ne pas lâcher avant que tout ne soit terminé. Ma main s’immobilisa, obéissante et docile, alors que je me levai de mon bureau. La pièce était plongée dans l’obscurité, uniquement tiraillée par une faible lampe de bureau que je pris soin d’éteindre avant de contourner le meuble. Je devais rentrer, Anastasia n’allait pas bien ces derniers temps et il était donc l’heure de la rejoindre. De s’assurer que tout allait bien, que tout ne pouvait qu’aller au mieux pour elle. Je posai une main sur mon manteau, lissant la manche en me remémorant les paroles d’Angela à nouveau. Elle l’a fait disparaître. Effacé. Evaporé. Perdu dans le néant. Disparu ? Disparu. Le seul moyen de le faire revenir… Est de s’attaquer directement à la remplaçante. Quand une figure est inter changée, il suffit de la remettre au bon endroit, non ? Logique. Mais comment faire disparaître à son tour cette femme ?
Je délaissai le manteau, ignorai l’écharpe, et abaissai la poignée de la porte pour l’ouvrir doucement mais fermement. Le couloir de la mairie n’était pas éclairé, vu l’heure tardive tous les employés administratifs étaient déjà rentrés chez eux, justifiant alors de l’ambiance tamisée qui régnait grâce aux larges fenêtres dévoilant l’éclat de la lune. Je marchai prudemment sur le parquet en bois verni, suivant la ligne du tapis vert qui menait jusqu’à la pièce centrale : le bureau du maire. Ma nuque tremblait et me lançait, ma mâchoire se resserra dans un air décidé alors que j’essuyai une goutte perlant de mon menton. J’avais l’impression que les sons venaient de très loin, comme une bulle me séparant du reste de la réalité. Le sol tanguait, se cambrait et tournait devant mon regard, m’obligeant à m’arrêter plusieurs fois et à fermer les yeux pour me recentrer. Le noir. L’intérieur. Le soi. Prendre une longue inspiration suivie d’une expiration mesurée. Apaisement. Adrénaline et frissons, mais un visage calme.
Des yeux clairs décidés quand je les rouvris, reprenant la route pour m’immobiliser devant la bonne porte. Un plaque indiquant Mayor à hauteur de regard attira mon attention, pourtant c’est la lueur sous la porte qui fut ma plus grande attirance. Elle était là. Comme souvent, elle veillait tard, sans doute aussi tard que moi. Je levai la main, d’abord vers la poignée, mais finalement décidai de frapper deux coups sur le bois pour signifier ma présence. Il y eut du mouvement, un bruit de feuilles que l’on tri, puis celui de talons résonnant sur le sol. Je m’attendais à ce qu’elle m’interpelle mais elle vint ouvrir directement, dévoilant son visage dans l’encadrement et m’adressant un regard à la fois surpris… et rassuré. « Bonsoir. Je vous en prie, entrez. » Clarisse s’écarta du passage pour me laisser la voie libre, je n’hésitai qu’une seconde avant de lui emboiter le pas et de combler les deux mètres qui me faisaient disparaître du couloir.
Elle referma derrière moi. Des paroles résonnèrent encore, que j’écoutai d’une oreille distraite alors que j’observai l’intérieur de la pièce. Je la connaissais presque par cœur, le moindre détail, le moindre emplacement d’objet, le moindre livre… Elle avait modifié des choses, déplacé cette statuette en bronze du troisième rayon au dernier par exemple, désorganisé l’ordre qui régnait auparavant, étalé des plans sur un petit secrétaire et retiré la table basse située entre les deux fauteuils carmin au bois de cerisier qui se faisaient face. Ce n’étaient que les premiers indices. Je hochai la tête à l’une de ses questions, l’avisant s’écarter de son bureau pour s’approcher d’un petit plateau où attendaient quatre verres et une carafe remplie d’un liquide ambré de première qualité. Son dos. Ses hanches. Ses jambes perchées. Sa nuque découverte.
Le sang.
Je chassai cette image en secouant imperceptiblement la tête. Les secondes défilaient, languissantes et atrocement lourdes, avant de s’immobiliser et de ralentir. Un jeu de passe-passe entre avenir et destin sans qu’aucun ne sache réellement qui aurait le dernier mot. J’entendais clairement le tic-tac de l’horloge mural, agacé par sa présence représentative du gourou. Du juge. De celui qui voit et sait tous mais contre lequel on ne peut rien.
Les éclaboussures.
Ma gorge se serra quand elle me tendit le verre, acquiesçant à son sourire en portant l’alcool à mes lèvres. J’étais nerveux, sans aucun doute, mais je gardai un visage aussi calme que possible. J’appuyai mon regard dans le sien, ne fuyant pas. Je ne pouvais pas fuir.
Je ne pouvais plus fuir.
Mes mains s’étaient resserrées autour de sa gorge. Le verre gisait à mes pieds, brisé, étalant son contenu sur le tapis qui devait coûter une fortune. Le sien avait fini sa course sur la table en verre, fendillant cette dernière avant qu’elle ne soit bousculée par le poids de nos deux corps la percutant. Des claquements. Des bruits retenus et une respiration pesante. Elle se débattait alors que je la trainai en arrière, la forçant à chuter contre le mur avant de retrouver les pressions sur sa gorge. Je voyais ses yeux plongés dans les miens. Je sentais le pouls filant entre mes doigts sous sa peau pâle. J’entendais son hoquet difficile et son geignement primaire, un réflexe physiologique dont je ne lui tiendrais pas rigueur. Sa main griffa l’un de mes poignets en essayant de me faire lâcher, faisant couler les premières gouttes de sang. Je tins bon. Je tenais bon.
Le bruit des tambours dans mes oreilles. Un sifflement sourd, lancinant, qui perfore mes tympans et m’empêche d’entendre sa voix mourante au fond de sa gorge. Qu’elle parle, je n’en avais rien à faire. Qu’elle se défende, je n’entendais pas. Qu’elle accuse, je n’écoutais pas. Je n’avais qu’une seule idée en tête à cet instant, l’accomplissement de tout ce pourquoi nous avions débattu avec Aloysius Black. Le serment silencieux d’une amitié grotesque, des liens plus ancrés en moi que je voulais bien le croire. Il avait été tout, une bouée de sauvetage comme un coutelât dans mes côtes. Il avait été la main au milieu de la noirceur, le fantôme qui hantait mes nuits et le spectre effrayant qui me suivait de partout. Je voyais ces bois. Je voyais ces cornes. Je voyais cette ombre noire apparaître derrière la maire comme pour m’appuyer dans mon action sordide.
Je devais le faire. Pour moi. Pour ma rédemption et pour retrouver un équilibre au milieu du chaos de mon esprit. Pour enfin sortir la tête de l’eau avant de mourir noyé sous le poids de mes propres terreurs. Angela avait raison, ce n’était pas lui. Elle n’était pas lui. Jamais elle ne le remplacerait et jamais nous ne serons dupes d’une telle mascarade. Les masques devaient tomber, les corps aussi. Ce soir signait un arrêt de mort pour l’un d’entre nous.
Et je n’étais pas là pour sauver Clarisse White. J’étais là pour la tuer.
Aloysius Black
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Trois mois. Trois longs mois durant lesquels Clarisse avait totalement pris place dans ce nouvel environnement. Elle n’avait pas eu besoin de s’adapter, elle avait pris voilà tout. Pris comme si cela lui avait toujours appartenu, comme si cela avait toujours été à elle, ce qui n’était pas faux à bien y regarder. Elle ne faisait qu’un avec Aloysius, même si l’homme avait parfois du mal à l’admettre. Elle était lui, elle était lui au féminin, son double, sa sœur cachée, sa jumelle. Il avait pourtant fallu réadapter certaines choses… Remus et Romulus avaient beaux être similaires en de nombreux points, ils avaient beaux avoir tétés les mêmes mamelons de la louve, il n’en restait pas moins qu’en grandissant, ils avaient fait leurs propres choix, comme deux reflets d’un miroir, plongés dans un monde parallèle, les faisant prendre des chemins différents. A commencer par son alimentation. Clarisse était végétarienne, elle l’avait toujours été, la vue de la viande la révulsait et elle méprisait bien trop les humains de son entourage pour songer en avoir un sur son palais délicat. Clarisse n’était pas psychiatre non plus, elle préférait largement son rôle de mairesse qu’elle gérait d’une main de fer et d’une main de maître, tentant réellement d’améliorer les choses plutôt que de profiter pleinement et uniquement de sa place de « reine ».
Il était certain que Clarisse avait révolutionné quelque peu son petit monde. Prenant toujours aussi soin de sa personne, elle n’était pourtant pas aussi diplomate qu’Aloysius, n’hésitant pas à dire ce qu’elle pensait sincèrement de manière cassante. Mais elle avait été juste : chaque personne avait gardé son poste à son arrivé, elle n’avait viré par la suite que les « incompétents » pour rajouter quelques personnes plus dignes de confiances et largement moins « stupides » à son sens. Elle avait aussi changer quelques meubles dans sa demeure et surtout les draps de son lit, ne supportant pas de s’endormir avec l’odeur d’Aloysius. Enfin, son cabinet n’était ouvert qu’occasionnellement et sa garde-robe avait été totalement repensée. Oui, Clarisse était là, malgré les supplications et les énervements internes d’Aloysius et de Scar et elle était là pour un bon moment, pour toute la vie même…
Ce soir-là, elle était restée travailler à la mairie tard, comme à son habitude. Angela avait déserté le bâtiment, sans doute pour aller se chercher à manger ou s’occuper à elle ne savait quoi avant d’aller s’endormir dans son petit lit. La nuit était déjà tombée d’ailleurs, étrange qu’elle ne fut pas encore revenue… La rouquine était assez étrange et plutôt inconsciente mais se révélait redoutable lorsqu’elle se retrouvait sur un sujet qui la passionnait. De toute évidence, il s’était passé quelque chose entre elle et son double masculin, elle en avait parfois des bribes de souvenirs qu’elle tentait de refouler du mieux qu’elle le pouvait mais la secrétaire semblait encore bien accrochée, formant avec elle une relation des plus étranges…
Mais il y en avait un qui détenait la palme d’or de l’étrangeté… S’il n’avait pas été premier Adjoint, elle l’aurait sans aucun doute déjà dégagée depuis longtemps. Mais ce genre de chose était délicat aux yeux de la population de Storybrooke, elle se devait de la jouer fine, d’opérer un changement en douceur mais opérer un changement tout de même car l’homme ne lui inspirait aucune confiance. Il était taré, complétement désorienté et il n’avait pas fallu chercher bien loin pour comprendre de qui venait ce sort… Aloysius avait toujours eu un penchant particulier pour les chiens sans collier… Si le psychiatre ne se manifestait plus autant dans leur corps, s’il ne tentait plus de se battre pour récupérer sa place, tout comme Scar, c’est que Clarisse soupçonnait que les deux hommes voyaient en Chostakovitch le moyen de parvenir à leurs fins… comment ? Elle l’ignorait mais cela lui donnait une raison supplémentaire pour se méfier de lui.
Lorsqu’elle entendit les coups frappés contre la porte cette soirée-là, elle regarda la montre avant de lever les yeux au ciel, outré par un tel comportement. On avait pas idée de la déranger et encore moins à une heure aussi tardive… Sauf lorsqu’on s’appelait Dimitri… Elle s’était avancée d’une démarche majestueuse vers la porte avant de l’ouvrir avec un regard supérieur. C’est alors qu’elle l’avait vu lui dans l’encadrure et un sourire poli s’était dessinés sur ses lèvres pour éviter de faire embraser le bidon d’essence. Il était clair à sa tête qu’il n’allait pas bien du tout… s’en rendait-il seulement compte ? Il était livide, ses yeux étaient cernés de violet, les veines étaient apparentes et son front était constellé d’une sueur froide… Il tentait vainement de contrôler un certain tremblement corporel et ne semblait pas vraiment réagir aux tics incessant de son visage. Elle espérait juste que cette entrevue couperait court, elle n’avait pas vraiment la même patience ou la même passion pour ce type de personnage, complétement drogué sans avoir vu une seule fois de la poudre blanche…
Elle l’invita poliment à entrer dans son bureau en lui servant un verre de Scotch. Cela ne pouvait pas lui faire plus de mal que l’état dans lequel il était déjà… peut-être même que cela lui redonnerait un coup de fouet, qui sait ? Il n’y avait pu qu’à espérer… Elle s’en servit un pour elle, et lança la conversation sans pour autant l’inviter à s’assoir, qu’ils en finissent et vite !
- Et bien Dimitri, qu’est-ce qui vous amène à une heure aussi tardive ?
Elle était là. Elle était là l’allumette qui avait enflammé le bidon d’essence. Le feu avait pris d’un coup, comme s’il le rongeait de l’intérieur de manière sous-jacente depuis bien trop longtemps, comme le braiser qui semble éteins tandis qu’il rougeoie encore en son cœur. Elle n’eut pas le temps de réagir, elle n’eut à vrai dire le temps de ne rien faire, hormis peut-être ouvrir ses yeux grands, très grands, sous la surprise, tout en prenant l’ultime respiration, celle que l’on prend avant de sombrer sous l’eau. Son verre lui avait sauté des mains pour se fracasser sur la table et s’exploser au sol. Elle, elle avait basculé, les mains de Dimitri autour de sa gorge, la forçant à suffoquer, l’empêchant de respirer. Elle avait alors tenté de lui griffer les mains, elle avait les ongles suffisamment long après tout… Mais il tenait bien trop bon… Elle sentait Scar qui s’éveillait en elle, il paniquait tout autant : tout ne pouvait pas se finir comme ça… il avait encore tellement de chose à faire, son règne n’était pas fini, il fallait qu’il s’en sorte ! La main de Clarisse tâtonna avec fébrilité jusqu’à atteindre – avec bonheur – un des éclats de son verre fracassé. D’un geste vif et rapide, le dernier qu’elle aurait pu se permettre avant de perdre toute sa force dans sa longue suffocation, elle le planta dans le coup du jeune homme qui lâcha prise instantanément sous la douleur. Elle n’avait rien touché de vital, elle n’était pas Aloysius… Elle ne savait pas dire avec une précision chirurgicale où se trouvait l’artère carotide. Mais elle profita néanmoins de cet instant de répit pour le pousser violemment avec sa chaussure à talon et se détacher de son emprise. Toussant, respirant bruyamment, elle rampa avec vitesse vers son bureau et tenta de se relever. Ce taré allait la tuer.
Il s’était alors relevé et lui avait attrapé le pied pour la ramener au sol. Elle se remercia intérieurement d’avoir gardé sur sa table le code civil des Etats-Unis qui était un petit volume conséquent et qu’elle fracassa sans ménagement sur le visage de Dimitri pour le faire lâcher prise… Il fallait qu’elle appelle quelqu’un ! Mais qui ? Où ? Quoi ? Comment ? Le téléphone ! Il fallait gagner du temps tandis qu’elle composait avec fébrilité le numéro d’Angela :
- DIMITRI ! Nous sommes amis, vous vous souvenez ?! Reprenez le contrôle vous n’êtes plus vous-même !
Il fallait agir à la manière d’Aloysius, lui montrer qu’elle était toujours le psychiatre malgré quelques différences… il était d’ailleurs le seul à ne pas vouloir agir dans cette histoire et elle ne se l’expliquait pas. POURQUOI ?! Dans quel but ?! Ils allaient tous les trois mourir !! Sans compter la messagerie répondeur qu’Angela qui était incroyablement longue. A croire qu’elle y racontait sa vie ! D’ailleurs c’était sans aucun doute le cas, car, même si Clarisse n’écoutait pas, trop omnubilée par l’état de Dimitri, elle entendit que la rouquine s’était faite coupée dans son élan par la voix automatisée :
- A la fin de votre message vous pouvez le modifier en tapant # - Angela j’ai besoin de votre aide, venez vite à la mairie, Dimitri… - Bip Bip Bip…
Le jeune homme été parvenue à débrancher le téléphone… Il n’y avait plus qu’à prier pour Angela écoute le message rapidement… le second round allait débuter…
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La douleur.
Elle me vrilla le corps avec une force telle que la surprise l’emporta sur tout le reste. Une décharge violente à vous couper le souffle, les connexions stridentes des transmetteurs se mettant en place pour supplier votre esprit de tout relâcher pour s’attaquer à cette intrusion sordide. La chair qui se déchire, les tendons qui s’écartent, les muscles qui se transpercent, les vaisseaux qui éclatent… Puis le sang. Le sang qui se déverse, libéré de son étau corporel pour laisser libre court à toute la rage qu’il renferme. Sous la surprise, je la lâchai brutalement en portant ma main vers mon cou pour empêcher cette gerbe carmin de se répandre trop loin et me priver de son rôle essentiel. Je grimaçai sous la douleur, perdant le contact physique avec ma cible alors qu’elle venait de me ramener cruellement dans une réalité macabre : Elle. Moi. Un bureau. Personne d’autres. Mes mains sur elle. La vie qui la quitte. L’étouffement. La quinte de toux. L’attaque et la réplique.
Clarisse venait de me repousser de toutes ses forces, appuyant l’une de ses chaussures contre mon torse pour me faire vaciller. Sous la confusion et l’entremêlât de mes sens délabrés, je chutai en arrière, bousculant la table basse qui se brisa sur le côté en répandant ses éclats un peu partout. Je sentis le tapis cogner contre mon crâne, parcouru de spasmes douloureux et la paume toujours plaquée contre la propre gorge cette fois. Elle ne semblait pas avoir visé quelque chose de précis, elle avait frappé comme la bête mise dos au mur qui avait suivi son instinct de survie. Je m’en rendis compte lorsque, papillonnant du regard, je ne vis pas apparaître ce voile caractéristique de l’état d’inconscience… Ou bien était-ce l’adrénaline pernicieuse qui me maintenait en état de mener à bien mon action ?
Je me retournai vivement pour l’attraper, tâchant sa cheville immaculée d’une traînée noirâtre encore chaude et, raffermissant ma prise sur son mollet, la tirait vers moi de toutes mes forces. Le jeu avait été enclenché, l’échiquier était en place, plus rien ne pouvait arrêter les rouages ou revenir en arrière. J’avais commencé, je ne pouvais que terminer. Mettre un terme à cette immense mascarade en éliminant toute la source du problème… Elle voulait s’enfuir ? Partout où elle irait, je parviendrais à la rattraper. J’étais un chasseur, j’avais la patience de l’homme et l’avidité du monstre que cela entraînait chez moi. Même si j’étais prodigieusement effrayé par la bête noire et cornue qui prenait de plus en plus de place dans la pièce, trahissant le basculement fatal qui était en train de s’opérer. Je n’étais plus Dimitri de St-Pétersbourg. Je n’étais plus le garçon insouciant qui rêvait d’argent et de princesse. Aujourd’hui, je n’étais que l’arme sinistre d’une embuscade préparée par d’autres. Il leur fallait un coupable, j’étais tout désigné.
« DIMITRI ! Nous sommes amis, vous vous souvenez ?! Reprenez le contrôle vous n’êtes plus vous-même ! » J’entendais sa voix mais j’avais du mal à comprendre pourquoi elle me disait quelque chose comme ça. Ses mots n’avaient pas de poids, aucune importance, absolument rien de cohérent ni de concret. Je n’étais pas son ami, je ne la connaissais pas et je ne voulais absolument pas la connaître. Elle avait pris Aloysius, elle devait payer pour ça… J’essayai d’émerger après le coup violent qu’elle venait de m’asséner, massant mon crâne douloureux de ma main ensanglantée. Un coup d’œil à mon cou qui saignait encore, mais pas suffisamment pour me laisser plonger dans le coma. J’avais encore un peu de temps. Juste un peu de temps…
Elle avait saisi le téléphone. Même commencé à parler… Et je m’étais alors tourné vers les câbles pour les tirer de toutes mes forces. Qui voulait-elle prévenir ? Angela ? Mais Angela était l’esprit direct de toute cette opération. Elle avait entièrement raison et son idée avait été la plus évidente de toute… Pourquoi Clarisse songeait-elle à la contacter plutôt que quelqu’un d’autre ? C’était stupide de se croire à l’abri. Stupide de se croire protégée. Stupide de penser qu’elle parviendrait à atteindre la porte avant moi… Clarisse pensait comme une victime humaine et civilisée. Je n’étais plus habité que par la volonté profonde de détruire. De réduire en bouillie. De désintégrer cette chose devant moi afin de la faire disparaitre de la surface de cette terre. J’avais étudié des scènes de crimes, m’étais mis dans la tête de tueurs en séries, avaient replacés et retrouvé les éléments de bien des meurtres… Mais je n’avais jamais songé que tout ceci pourrait me servir un jour. Encore moins que je pencherais à mon tour de leur côté, ni que ce serait avec tant de violences et de brusqueries.
Je venais de la frapper. En plein visage, j’avais attrapé son bras pour qu’elle se retourne et elle m’avait giflé sans aucune hésitation. Alors mon poing s’était refermé et était allé frapper sa mâchoire en réponse. Clarisse vacilla sous le coup, je cru qu’elle allait déjà s’abandonner mais elle se montra fièrement plus résistante que cela : des mots fusèrent. Des cris. Des griffes pour se défendre. Des morsures pour m’atteindre. Et moi, je la frappai : dans le plexus solaire pour amenuiser son souffle et rendre ses côtes douloureuses, puis dans la tempe pour faire résonner le glas directement dans son esprit. J’affrontai son regard sans sourciller le miens, les pupilles dilatées et le souffle coupé devant cette frénésie maladive qui me saisissait à bras le corps. La frapper. La tuer. L’exterminer. La réduire en cendres.
Au final, je ne savais plus si ce sang appartenait à moi… Ou bien à Clarisse.
Occupé à frapper sa joue, je ne vis pas la statuette de bronze qu’elle venait d’attraper – lamentablement échouée sur le sol après qu’une des bibliothèques n’ai basculée – afin de me foudroyer la tempe. Le choc me poussa contre le mur, libérant son corps de mes jambes où je l’avais immobilisé, me sonnant bien d’avantage que le livre qu’elle avait utilisé auparavant. Je grimaçai, perdant quelques secondes la notion exact du temps ou de l’heure qu’il était… Tout ce que je voyais, c’est qu’elle cherchait à se redresser. Alors je voulu la suivre, l’attraper, saisir ce tailleur qui commençait à prendre une mine affreuse ; mais la porte s’abattit droit dans ma figure, m’aveuglant littéralement alors que j’entendais un craquement résonner à l’intérieur de ma boîte crânienne. Ça faisait un mal de chien.
Grondant, jurant entre mes dents, je refusai délibérément de la libérer de ma prise. Elle ne devait pas s’enfuir. Elle ne pouvait pas s’enfuir. Elle ne pourrait pas. Même si j’étais écroulé sur le sol et elle a demi-debout, je refusais de la laisser remporter cette autre bataille sans rien faire. Je sentis un éclat de verre sous mes mains. J’en saisis un soigneusement et le plantai vivement dans sa cuisse, visant l’artère fémorale sans même m’en rendre compte. L’arme s’enfonça dans sa chair avec une simplicité déconcertante, je sentis son pouls bouillonner juste en dessous, retirant ma main alors que Clarisse me donnait un nouveau coup avec la porte de son bureau. Le verre me resta dans les doigts. Des échardes dans le visage. J’entendis ses pas maladroits pour essayer de s’écarter de moi. Presque pouvais-je deviner la gerbe de sang en train de s’extraire de sa jambe.
Je n’avais plus besoin de me presser. Je n’avais même pas besoin de me dépêcher pour me relever… Je posai ma main contre le mur sali du bureau, me relevant avec quelques difficultés tant ma tête était sonnée des coups répétés portés dessus. Mon regard avide la chercha rapidement, cette proie agonisante que je devais terminer de chasser. Elle était déjà livide. La peur et la terreur pesaient dans la pièce, une tension mortelle qui entraînerait fatalement la mort de l’un d’entre nous. J’étais moi-même effrayé devant ce qui était en train de se passer, devant ces gestes que mes propres mains faisaient avec un automatisme aguerri. Comme si tout avait été répété. Minuté. Chronométré et prévu à la seconde près. Je savais où frapper. Où la blesser mortellement. Où réduire ses chances à néants.
Cette blessure allait la tuer en moins de deux minutes… Si je ne l’attrapais pas avant pour écourter ce délai.
Aloysius Black
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Elle était en train d’encaisser les coups, encore et encore, et pouvait de moins en moins les éviter. Il avait répliqué en la frappant au visage avec une telle force, une telle violence, qu’elle en avait perdu l’équilibre avant de s’effondrer au sol. C’était insensé, surréaliste. Son double masculin avait été un tueur en série durant e longues années, c’était lui le chasseur, lui qui menait la danse et Scar avait été un lion, un prédateur redoutable. Et voilà qu’à présent… A présent… Elle n’était plus que l’agneau, la victime de cette farce sordide dont Dimitri était l’auteur… ou le pantin… Mais ça, la femme était incapable de le voir, dans l’horreur où elle se trouvait. Elle n’avait plus que ses yeux exorbités et sa force qui s’amoindrissait minute après minute pour répliquer. Elle était désormais seule, définitivement seule.
Au fond d’elle, un combat avait longtemps fait rage. Aloysius n’avait pas chercher à s’élever depuis le début, mais Scar et elle avaient fait front pour tenter de se sortir de là, jusqu’à ce que, le lion à son tour, décide de lâcher prise, de la laisser se débrouiller, seule, à son triste sort. Ces idiots pouvaient seulement imaginer que si elle disparaissait, ils pourraient revenir ? C’était ça qu’ils s’imaginaient ? Étaient-ils devenus dingues ou stupides ? C’était insensé. Si elle disparaissait, ils disparaissaient aussi, ils ne faisaient qu’un, un seul et même être, dans la même enveloppe de chair et d’os, qu’importe le nombre d’esprit qu’elle contenait… Où était donc passé ce lion si imbu de lui, ce lion qui aurait été prêt à tout pour survivre ? Il avait fait semblant de plier le genou avant de bondir de nouveau sur Simba, il avait dut ravaler toute fierté (et dieu sait à quel point elle était grande !) auprès des hyènes pour qu’ils le laisse en vie et maintenant, elle était seule contre lui ?! Clarisse avait toujours était une féministe mais en cet instant précis, il fallait bien qu’elle s’avoue qu’homme et femme n’étaient pas égaux dans la force physique ! Même aussi sonné que l’était Dimitri, il restait malheureusement plus fort… Elle avait pourtant tout tenté, agrippant une statuette avant de se relever et lui éclater la tête contre l’un de ses placards ouvert à la volée. Il en avait résulté un craquement sinistre mais malheureusement pas assez convaincant pour qu’elle puisse s’en sortir libre…
Il était parvenue à la faire trébuché et de ses mains, habiles bien que quelques peu hésitants, il avait fini par lui planter un bout de verre dans la cuisse non loin de l’artère fémorale, bien trop proche même d’ailleurs, pour ne pas dire sans doute dessus. Clarisse lâcha alors un râle de douleur avant de s’effondrer au sol, impuissante. Le flux sanguin était si fort que ne parvint à ramper sur le dos quelques courtes secondes avant de s’étaler entièrement. Ses mains tremblaient violemment, elle était à la recherche fébrile de sa plaie pour y faire un garrot tandis que sa vie commençait à se brouiller. Son sang s’échappait de son corps à une allure fulgurante, elle ne pouvait plus rien maîtriser et tandis que Dimitr se positionnait au-dessus d’elle, elle sentait déjà la vie la quitter et c’est à cet instant qu’elle comprit.
Elle comprit tout. Ses esprits ne formèrent plus qu’un, comme si elle avait pris un tunnel l’emmenant à vitesse grand V vers la compréhension de tout ceci… Clarisse lâchait entièrement prise et tout à tour, Scar et Aloysius eurent droit à leur moment de gloire. Le lion fut le premier. Bien que grimaçant, un rictus mauvais se dessina sur les lèvres de la femme, suivit d’un ricanement faible mais triomphant. ‘il fallait mourir, il n’aurait sans doute pas voulu une autre mort que celle-ci. Il était au sommet de sa gloire, au sommet de sa puissance, il était maire, il était roi et n’aurait pas le déshonneur de se voir redevenir un simple petit psychiatre dans un bureau froid et étriqué. Il voyait déjà son éloge funèbre, on allait le considérer en héros, en martyr… Scar avait réussi le plus beau de ses coups, il allait avoir des oraisons funèbres digne d’un roi… il ne méritait absolument pas moi. Puis vint le tour d’Aloysius. Le rictus se transforma en un faible sourire, mystérieux, ponctué par les spasmes de ce flux sanguin qui ne cessait de filer. Le visage de Clarisse se tourna alors lentement vers celui de Dimitri, afin d’être en face, bien dans la lignée, tandis qu’il sentait les mains de son « ami » se serait autour de sa gorge féminine. Il capta alors son regard, et ne se priva pas de lui transmettre tout ce qu’il désirait en silence, rien qu’à travers ce contact visuel. Il lui faisait comprendre qu’il était là, qu’il le voyait, qu’il voyait son cœur désormais empli de noirceur. Il le voyait tel qu’il était, qu’il voyait la transformation s’opérer lui… Il devenait l’un des siens, il devenait un tueur. Dimitri était la plus belle de ses œuvres, un véritable chef d’œuvre. Il aurait pourtant aimé qu’il ne soit pas sa victime, bien que tout cela soit follement poétique. Il aurait pouvoir vivre, voir ses meurtres suivant, sa nouvelle mutation, il aurait voulu le guider, lui apprendre, il aurait vraiment voulu devenir son ami… Aloysius senti alors le trouble en Dimitri, il sentit que les doigts du jeune homme se retiraient vivement de sa gorge, comme s’il avait compris. Malheureusement, ni Aloysius, ni Clarisse, ni Scar ne le sauraient jamais… car tout devint brusquement Ténèbres. Oh noirceur, ma vieille amie…