Apprendre les rudiments du sauvetage en mer

Will & Rebekah

Une nixe... Je ne m'en remettais pas. Cela faisait peu de temps que la Malédiction s'était dissipée, que tous les habitants de Storybrooke avaient retrouvés leurs souvenirs. Et je ne m'en remettais pas. J'avais vécu une vie tranquille pépère depuis 28 ans, et voilà qu'un beau jour ma vie passée me tirait de mon sommeil à grands jets d'eau froide. Sympa. Bon, d'un côté, même sous l'emprise du Sort Noir, j'avais toujours su que je n'étais pas comme les autres. Ça va peut-être vous sembler mégalo (et j'en ai rien à foutre), mais j'avais senti que j'avais un truc en plus. Ou du moins, un truc différent du commun des mortels. Comme quoi, mon sixième sens ondiniesque ne m'avait pas totalement abandonnée pendant ces années d'amnésie.

Pour être tout à fait honnête, retrouver ma véritable identité n'avait pas bouleversé mon quotidien. Après tout, qu'est-ce que ça pouvait changer ? Il était impossible de quitter la ville, et il fallait bien que je gagne ma vie comme tout le monde (eh ouais, aussi bizarre que ça puisse paraître, être une nixe ne vous permet pas de vivre d'amour et d'eau fraîche dans un monde sans magie). Certes, les premiers jours avaient été difficiles à encaisser, et j'étais restée cloîtrée chez moi à me goinfrer de toutes les sucreries possibles et inimaginables en attendant que la magie ne revienne complètement. Apparemment, de ce côté-là, cela semblait s'être à peu près réglé. Bref, je pense que vous vous fichez pas mal de mes problèmes, vous en avez assez rien qu'en vous regardant dans un miroir, alors passons.

L'avant-veille, un professeur de sport du lycée m'avait contactée (allez savoir comment) pour me demander si j'accepterais d'encadrer un stage de sauvetage en mer pour ses élèves. N'étant pas du genre à rechigner sur quelques billets de plus, j'avais tout de suite adhéré à l'idée. Je savais pertinemment que je n'allais pas pouvoir me piffer les têtes de nœud qu'étaient les blancs-becs du lycée, mais si je voulais arrondir les fins de mois, c'était soit ça, soit me dandiner devant des types louches au Rabbit Hole... J'avais vite fait mon choix.
C'était à présent le jour du stage. Il était dix heures, la classe n'allait pas tarder. Dans la cabane des sauveteurs plantée sur la plage, je me servais mon troisième café. Il me fallait au moins ça. Je m'étais levée à l’aube : neuf heures, quelle heure indue ! Puis, je les vis arriver, avec leurs têtes de vainqueurs, et je descendis les accueillir comme il se doit : Salut à tous, moi c’est Rebekah, mais vous pouvez m’appelez… Nan, en fait m’appelez pas, c’est mieux. Si votre prof vous a emmenés ici aujourd’hui, c’est pour que je vous apprenne à minimiser les risques si jamais l’envie vous prenait de balancer un de vos potes à la flotte alors qu’il sait pas nager. Bon, j’vous épargne la rengaine sur le fait que la mer est un milieu dangereux, bla bla bla… On s’en tape. C’qu'il faut retenir, c’est que si vous êtes pas foutus de flotter, vous restez où vous avez pieds. C’pas compliqué. Bon, j’vais pas tourner autour du pot pendant trois heures, j’ai pas que ça à faire et vous non plus. Alors on passe tout de suite aux techniques de base. Avant tout le bazar de massages cardiaques et bouche-à-bouche, on va commencer par une mise en situation. Toi là, dis-je en désignant une jeune fille qui ne m’avait pas l’air très dégourdie, tu sais nager ? Non ? Parfait, tu feras le mannequin. On a eu une restriction de budget, alors on fait avec c’qu’on a. Mais panique paaas, soupirai-je en la voyant s'exciter, si j’vois que tu refais pas surface au bout d’un petit moment, j’irai te chercher. Sans plus de cérémonie, je fis monter la demoiselle dans un bateau de l’équipe de sauvetage, avec le premier groupe constitué d’une dizaine d’élèves. Pendant que je conduisais, je leur expliquai ce qu’ils allaient devoir faire : Quand votre camarade sera dans l’eau, vous allez la rejoindre un par un et la prendre comme ça (je montrai le geste) pour la ramener sur le bateau. Vous placez votre bras ici, vous faites attention que sa tête soit tout le temps hors de l’eau, et vous revenez. Pigé ? Allez, c’est parti ! Et, sans prévenir, je balançai la pauvre fille par-dessus bord et éloignai le bateau d’elle. Qui se lance en premier ?
Moi, tarée ? Mais non voyons, mes méthodes sont tout ce qu'il y a de plus pédagogique !