Je n'avais pas fermé l'oeil de la nuit mais curieusement, j'étais en hyper bonne forme. Je ne sais pas si c'était dû à mon côté divin ou à l'adrénaline, mais en tous cas, le sommeil ne m'avait pas gagné. J'avais donc passé la nuit à tuer du zombie sur ma console, et des hommes aussi, pour varier un peu la boucherie. Etrangement, c'était plus intéressant de déquiller de l'humain, car ils se montraient incroyablement intelligents et redoutables. Les zombies à côté se jetaient toujours sur vous de la même façon, ce qui provoquait un léger ennui.

J'avais donc joué jusqu'au petit matin, puis les os de mes pouces commençant à grincer dangereusement, j'avais éteint ma console pour zapper bêtement. J'avais jeté des coups d'oeil à mon réveil de temps à autres. J'avais encore largement le temps avant de rejoindre Lily au café de Granny. Le temps avait passé, passé encore et...

J'ouvris un oeil, puis le deuxième. Un rayon de soleil matinal dardait à travers la fenêtre et perforait mon front. Je me redressai, me frottai les yeux et me rendis compte que la télé tournait dans le vide, ânonnant des dessins animés. J'esquissai un grand sourire en reconnaissant les Super Nanas, m'assis en tailleur sur mon lit et me calai le dos sur un coussin.

Je jetai un bref regard à mon réveil, fixai de nouveau la télé, et soudain je poussai un cri suraigu, un peu celui d'un poussin à qui l'on vient de voler sa becquée. Neuf heures moins dix ! J'allais louper mon rendez-vous avec Lily ! Je sautai sur mes pieds, fonçai dans la douche et en sortis sept minutes plus tard, coiffé comme un dessous de bras mais dispensant une odeur de gel douche dans mon sillage. Je pris les premiers vêtements qui me venaient sous la main -un jean, un tee-shirt à manches longues par-dessus lequel j'enfilais un autre tee-shirt à manches courtes cette fois-ci- et je me précipitai dans le couloir, passant fébrilement mes mains dans mes cheveux dans l'espoir d'avoir une coupe à peu près correcte.

J'entrai chez Granny's à neuf heures tapantes. Trop fort, tu gères grave, mec. Affichant mon plus grand sourire, je tentai de garder une allure parfaitement décontractée alors que je soufflais comme un boeuf tant j'avais couru de ma chambre au café. Je m'accoudai au comptoir en tombant à moitié dessus, et commandai un grand chocolat chaud d'un ton à peine audible. Granny me le donna en me regardant avec un drôle d'air du style : "Toi mon petit tu as encore passé la nuit à boire comme un trou. Ces jeunes, je vous jure...". Pauvre mère-grand, si tu savais...

Je bus plus de la moitié de mon chocolat en moins de vingt secondes. Puis j'eus tout le loisir de le siroter tranquillement car Lily, comme toutes les filles, était en retard. Je commençais à trouver le temps long. Je baissais les yeux sur mon tee-shirt et remarquai alors l'infamie extrême : pourquoi je n'avais pas regardé avant d'enfiler n'importe quoi ? Et surtout, pourquoi n'avais-je pas jeté ce truc ? Sur mon magnifique tee-shirt, on pouvait voir un panda en train de fumer un joint avec son amie la girafe. Franchement, on ne pouvait faire plus pitoyable. Normal que Granny me prenne pour un toxico...

Je plaquai mes mains sur ma tête mais me redressai brusquement en entendant la sonnette tinter. Quelqu'un venait d'entrer. Je pivotai sur moi-même et découvris Lily, absolument magnifique et radieuse. Je devais vraiment avoir l'air d'une poubelle à côté d'elle. Au moins, je sentais bon, ce n'était déjà pas si mal. Je croisai les bras dans une tentative désespérée de cacher l'image sur mon tee-shirt et me penchai vers elle. Elle me parla d'une activité un peu spéciale, aussi je haussai les épaules. Je n'avais même pas eu le temps d'en placer une qu'elle me tira par la main. Elle m'emmena au dehors, retrouver un type en face duquel je me sentis aussitôt incroyablement sexy. Stupidement, j'espérais qu'il s'agisse du fameux William avec lequel elle partageait son appartement. Aucun danger avec un gars comme lui. Il avait l'air un peu demeuré, en plus.

Je lui adressai un grand sourire, lui tendis une poignée de main amicale, quand soudain il nous agrippa et nous serra dans ses bras. Je me sentis aussitôt compressé comme une sardine dans une boîte. Wouah... il avait de la force, ce type ! Sa voix un peu pataude me faisait peur. Il avait tout du psychopathe refoulé.

Je restai pétrifié quelques secondes avant de me dégager le plus poliment possible. Je n'avais pas envie de l'énerver. Puis je le considérai avec méfiance et inquiétude, avant d'observer Lily qui avait l'air de trouver tout ceci tout à fait normal.

"Euh..."

Je passai une main dans ma nuque, clignant plusieurs fois des yeux, avant de poursuivre :

"La journée des câlins... Ca consiste en quoi, exactement ?"

Je n'étais pas certain de vouloir le savoir, mais avais-je vraiment le choix ? Lily allait me prendre pour un nul si je refusais de participer à ce grand délire. Et je voulais avoir du cran, je cherchais à l'impressionner. Je n'avais pu chasser le laser game de ma mémoire. On s'était tellement amusés ! Hélas, j'avais bien peur d'avoir ouvert une porte à toutes sortes de mauvais trips...

"Sans vouloir paraître effronté ni rien, vous êtes qui ?" attaquai-je brusquement en fixant le type louche. "C'est vous, William ?"

Je le jaugeai avec un petit air supérieur. Si c'était lui qui se promenait torse nu chez eux, et bien je n'avais vraiment pas à m'en faire. Je bombai le torse mais me souvenant de mon infâme tee-shirt, je rentrai bientôt la tête dans mes épaules et croisai de nouveau les bras. Mauvais timing pour jouer les valentino.

C'était aberrant qu'avec tout le tapage que faisait le dénommé Olaf, le lion en question ne se soit pas aperçu qu'il était une cible de choix. L'homme blond continuait son petit bonhomme de chemin, insouciant, inconscient qu'il allait bientôt se faire étreindre par un type qui n'était pas tout seul dans sa tête et un éléphant humain. Quelque part, je le plaignais.

Quoi qu'il en soit, Lily était déjà sur le coup, bien décidée à le câliner. Je la rejoignis à grandes enjambées, marchant à sa hauteur tout en lorgnant le grand blond d'un oeil soupçonneux. Il était plutôt pas mal dans son genre, les épaules carrés et le menton volontaire. Malgré moi, mon humeur s'assombrit. C'était un effet de mon imagination ou tous les hommes de Storybrooke étaient taillés comme des armoires à glace ? J'avais vraiment l'impression de faire tache, à côté. Je relevai pourtant la tête avec un air plein de fi. M'en fichais, je m'étais tapé la Sauveuse. Ce n'était quand même pas rien ! Peu de personnes pouvaient se vanter de cela ! Bon, je n'allais pas le crier sur les toits, ce n'était pas mon genre, mais ça remontait le moral quand on voyait que tous les gars de cette ville étaient sexys en diable. Ca devait être l'effet "prince charmant". Dans les contes de fées, c'était rare que les hommes soient hideux, hormis les lutins malfaisants ou les méchants. Je jetai un coup d'oeil par-dessus mon épaule, vers Olaf qui s'excitait devant le vendeur de cacahuètes. Hum... presque tous. De toute évidence, ce type-là n'était pas un prince charmant, ou alors quelqu'un l'avait laissé dans machine à laver durant le cycle d'essorage.

Je regardai de nouveau droit devant moi. Le jeune homme blond était à quelques pas de nous, mais en entendant Olaf hurler un truc concernant ce demeuré de William, je me penchai vers Lily et lui demandai d'une voix sourde :

"Alors si j'ai bien compris, tu distribues des câlins chaque mercredi avec ce clown et le reste du temps, tu le passes à manger des cacahuètes avec ton coloc' ?"

Non, je n'étais pas jaloux. C'était juste que j'aurais aimé qu'elle m'en parle. De quoi exactement ? Aucune idée. J'avais simplement l'impression que le dialogue n'était pas sa priorité numéro une. Si je devais tout apprendre de la bouche d'Olaf, je risquais de devenir dingue. Il avait vraiment une façon bien à lui de raconter...

Je tentai de calmer mes nerfs en me disant que Lily m'avait invité à la grande journée des câlins et que par conséquent, elle souhaitait que je fasse partie intégrante de ses activités, aussi étranges soient-elles. Je décidai donc de me prêter au jeu. Que pouvait-il m'arriver ? J'étais au top de ma forme, j'avais mis un super tee-shirt dont le motif incitait à la détente et à la paix universelle. J'allais me lancer. J'allais faire un câlin et de ce fait, rejoindre le club des câlineurs professionnels. Mais je n'allais pas choisir le gars tout blond. C'était trop prévisible. Il fallait que je surprenne.

Au bout de la rue, je remarquai une jeune femme sortir d'une boutique de chaussures. Très élégante dans un pantalon en cuir moulant, elle portait également des bottes de cavalière ainsi qu'une veste cintrée. Je la reconnus à ses cheveux couleur de feu. Je savais qui elle était, elle était super sympa ! Je n'étais pas l'un de ses amis intimes, mais je me souvenais encore de notre nuit incroyable, en compagnie du type blond et de la douce Even Jones... Oui, le blond était de la partie. C'était dingue, je venais seulement de me souvenir de lui !

Lily et Olaf allaient halluciner de mon initiative. Abandonnant Lily, je courus jusqu'à la fille du feu -quel était son nom, déjà ?- qui me tournait le dos, et n'hésitai qu'un instant avant de passer mes bras autour de ses épaules. Puis j'annonçai, d'une voix qui n'était pas si différente de celle d'Olaf :

"CÂL... AAAAAAAAAH !"

Je criai alors que je me sentis basculer en avant. La fille m'avait attrapé par le bras pour me faire passer par-dessus elle, dans une prise de kung-fu ou de karaté. Peu importait. Je volai un court instant avant que mon dos ne heurte brutalement le sol. Je poussai un grognemement douloureux et vis les cheveux de la fille danser au-dessus de ma tête quand elle se pencha vers moi pour me regarder d'un oeil interrogateur.

"Oh, c'est encore les timbrés des Free Hugs !" grommela-t-elle. "Faut vous calmer, les mecs ! Un jour, je vais tuer l'un d'entre vous sans faire exprès !"

Elle mit les mains sur ses hanches et tapota des doigts, visiblement agacée. Lily et Olaf étaient en train d'accourir vers moi. J'avais l'impression d'avoir échangé ma colonne vertébrale contre une planche en bois parcourue d'échardes. Je restai allongé sur le sol, glissant une main vers le bas de mon dos pour diffuser une onde de chaleur. La fille du feu fronça le nez et commença à s'éloigner, ajoutant un truc du style : "Faut pas me chercher, tu le sais Lily en plus ! Sinon je risque de me montrer un peu trop gentille avec toi..."

Elle ricana avant de s'éloigner davantage. Je clignai des yeux, à moitié hébété, puis me redressant, je remarquai les deux autres à côté de moi.

"Plus jamais de câlins." dis-je d'un ton cassant.

Inutile de préciser à quel point je me sentais honteux. Une fille venait de me faire voler en l'air comme si j'étais un poids plume. Cette fois-ci, plus d'autre alternative : il fallait que je fasse de la muscul'.

Pourquoi tombais-je toujours sur des tarés ? Etait-ce un cas de normalité dans la population de Storybrooke ? Tout le monde était dingue, ce qui les persuadait tous d'être sains d'esprit ? Je me posai la question alors que je venais d'entendre la proposition de Lily. Un cache-cache. Non mais sérieusement... Je lui lançai un regard oblique. Elle n'était pas sérieuse ?

Si, elle l'était. J'avais presque envie de lâcher un gémissement déchirant, surtout que l'autre zigoto était tellement gonflé d'entrain que je n'aurais pas été étonné de le voir s'élever en l'air comme un ballon de baudruche. Vraiment flippant, ce mec... On l'autorisait vraiment à se déplacer en toute liberté ?

Il venait d'attraper une jeune fille blonde qui passait près de lui et la serrait avec force et emphase, avant de la relâcher. La fille s'en fut en courant, traumatisée par cette effusion, et j'eus très envie de la suivre. Elle me semblait être tout à fait équilibrée. Mais mon idée s'arrêter là car je sentis le type aux grandes oreilles me labourer l'épaule comme pour me consoler d'un truc qui m'échappait. Mon bichon ? Il voulait mon poing quelque part ? Je n'étais pas violent mais il commençait sérieusement à m'échauffer. Surtout quand il prit Lily dans ses bras dans une étreinte pleine de tendresse. Je voyais mal où il venait sentir ses cheveux ? Tout ceci commençait à dérailler sérieusement...

A présent, il distribuait des cacahuètes. Tout pour faire craquer Lily. Le pire dans l'histoire, c'est qu'elle était ravie. C'était vraiment si facile de la draguer ? Un sachet de cacahuètes et hop! dans la poche ? Je me sentais offusqué et honteux de ne pas y avoir pensé moi-même. En plus, il ne m'en avait pas proposé à moi, des cacahuètes. J'étais hors jeu, encore une fois !

Je me rapprochai d'eux et demandai d'un ton plein de défi, les mains dans les poches :

"Bon alors, on le fait ce cache-cache ?"

Ils voulaient s'amuser ? Très bien. Autant se lancer.

"Olaf... Olaf, c'est ça ? Puisque tu veux compter, on ne va pas t'en priver !" fis-je en tapant dans mes mains avant de le diriger vers le mur le plus proche. "Reste là et compte jusqu'à mille. Tu verras, c'est pas aussi long que ça en a l'air."

Je lui fis un petite tape sur l'épaule pour l'encourager puis je me retournai vers Lily, la prenant par la main. Puis je l'entraînai à grands pas dans mon sillage, tournai au coin de la rue, continuai un moment encore à marcher à cadence soutenue, et m'arrêtai enfin. Nous nous trouvions juste devant la boutique "A vos souhaits". Je m'en rendis compte après coup. Je levai les yeux au ciel. Tant pis. La rue était déserte, c'était tout ce qui comptait. En plus, si Olaf avait joué le jeu, il n'avait pas vu par où nous étions partis. On ne pouvait pas rêver mieux.

Sans lâcher la main de Lily, je la regardai avec douceur et déclarai d'un ton léger :

"On fait ce que tu veux, absolument ce que tu veux ! Tu veux aller où ? Tu sais que je peux nous téléporter où tu le désires ! Choisis un lieu, n'importe lequel !"

Je lui fis un clin d'oeil tout en lui lançant un regard un peu trop empressé. Constatant qu'elle ne semblait pas embalée par l'idée, je laissai échapper un soupir agacé.

"Tu veux vraiment faire un cache-cache ? Et après quoi, on va manger une glace tous les trois et faire un tour de manège ? C'est quoi ce délire ?"

Je me rendis compte qu'une petite chose se pressait dans nos mains liées. Je m'en saisis, reconnus une cacahuète grillée, et la mis dans ma bouche sans cesser d'observer la jeune femme.

"Et puis moi auchi che voulais des cacahuètes ! Vous faites bande à part, ch'est pas chympa !"

Je mastiquai et avalai, lançant un regard un peu attristé à Lily. Il n'y avait qu'elle que j'avais envie de câliner, mais je ne pouvais me résoudre à lui balancer un truc aussi plat. Elle allait me rire au nez.