« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
La salle baignait dans une atmosphère d'allégresse peu commune. J'avais vécu maintes fêtes, mais je devais avouer que celle-ci était des plus réussies. J'adorais me mêler aux mortels. Ils étaient extrêmement inventifs. J'avais assisté au lâcher de ballons multicolores, je m'étais laissée aller à danser de nombreuses fois, si bien que la tête m'en tournait légèrement.
Quelque peu essoufflée, je m'accordai un instant pour envelopper la salle d'un regard bienveillant. Un beau jeune homme me proposa un verre de champagne que je bus sans me sentir rassasiée pour autant. L'alcool ne me griserait jamais. Je ne pouvais tomber dans les excès propres à la nature humaine. Pour tomber dans le vice, il fallait que je m'y abandonne de mon plein gré. Pas besoin de substance grisante, il suffisait que je mette mon esprit en pause, que je me laisse aller. J'aurais pu reproduire ce schéma une fois encore, cette soirée-là.
Une sorte de nostalgie s'empara de moi. Devant mes yeux songeurs, les images de mon passé dansèrent follement dans les lumières pastels des projecteurs qui balayaient la salle de bal.
Je décidai de projeter mes souvenirs en chanson. Il était plus que temps d'exorciser tous les non-dits, tous les vieux démons qui me guettaient à la porte de mes rêves déchus. Si je ne saisissais pas cette chance, quand le pourrais-je ? Ce moment était parfait.
J'apparus sur scène, troquant ma robe bleue vaporeuse contre une autre. Longue, fendue sur le coté jusqu'à mi-cuisse, elle était toute noire, parsemée de paillettes. Je trouvais qu'elle s'accordait parfaitement à la relecture de la chanson que je m’apprêtais à interpréter.
Le temps était venu de tirer un trait sur le passé. Peut-être cela allait-il fonctionner ? Après tout, certains prétendaient que le chant aidait à apaiser les peines de coeur. Pourtant, une grande majorité se résumait à des chansons d'amour. Les mortels aimaient se contredire.
Je battis des cils et me déhanchai lentement sur les premières mesures de la musique. La batterie venait d'emballer mon coeur, le piano avait fait volé en éclats mes dernières incertitudes. Les souvenirs affluaient comme un torrent furieux derrière mes paupières closes. Ma voix posée, légèrement fluette résonna alors dans la salle :
"Never can say goodbye No, no, no, no... I I never can say goodbye Even tho' the pain and heartache seem to follow me wherever I go Tho' I tried and tried to hide my feelings then always seem to show Then you try to say you're leaving me and I always have to say no Tell me why is it so?"
Je me revis, plus jeune, plus insouciante. L'écervelée que j'étais dansait avec un garçon différent chaque soir. Nous tournions, tournions, tournions dans un cercle sans fin...
Ce n'était jamais le même. Je m'en amusais. Le premier à vaciller contre la flamme brulante de mon désir était Héphaistos.
Un forgeron, un dieu au coeur aussi dur que le métal qu'il modelait selon ses souhaits. J'en fus éprise pendant une année ou deux... le temps d'un battement d'aile de papillon pour quelqu'un comme moi.
"But I never can say goodbye No, no, no, no I never can say goodbye..."
Ils avaient été si nombreux, je les avais tant malmenés, piétinés par mon amour impatient, insatiable... J'avais l'impression de devoir me battre constamment contre ma vraie nature. Hermès, Hadès, Dionysos... si vous saviez à quel point je suis désolée de vous avoir fourvoyés... Arès, je m'en veux d’être une soeur aussi méprisable...
"Ev'ry time I think I've had enough and start heading for the door There's very strange vibrations, piercing me right to the core It says turn around you fool you know you love him more and more Tell me why is it so?"
Je montai dans les aigus tandis que le refrain reprenait. Je dansais doucement en rythme. Ouvrant les yeux sur la salle baignant dans une lumière tamisée, j'aperçus Elliot. Mon grand petit garçon tentait de cacher son visage honteux derrière sa main, embarrassé au plus haut point par le contenu de ma chanson. Un sourire étira mes lèvres charnues tandis que je poursuivais le refrain : "Don't wanna let you go I never can say goodbye boy (never can say goodbye, boy) Ohh, ohh, baby, (don't wanna let you go, boy) I never can say goodbye, No, no, no, no, no, no"
Je me rendis compte brusquement que cette chanson était également pour lui. Pour mon fils. Je ne pouvais lui dire adieu. Je ne pouvais pas tourner le dos à mon passé, et encore moins à mon présent. Tous ces souvenirs, bons ou mauvais, étaient ce qui me composaient, ce qui me rendait réelle. Vivante.
Cinq millions d'années pour prendre conscience d'une chose aussi simple. Je me laissai aller à rire sur les dernières notes.
J'abandonnai la scène sur les enchainements de batterie, me téléportai jusqu'à Elliot, saisis ses mains électriques et l'entrainai sur la piste de danse alors qu'une autre chanson débutait.
"Danse avec moi, Elliot." lui demandai-je avec un sourire.
Il était tellement plus grand que moi. Lorsqu'il me fit tourner, je sentis mon coeur monter dans les airs, aussi léger qu'un ballon.
Le futur, il était hors de question de l'abimer.
musclor.
Spoiler:
Oui je sais, c'est la vraie voix de Dianna Agron, mais je trouve que cette chanson correspond trop bien à Aryana. Le rythme, les instruments utilisés, le style un peu "planant"... c'est du Aphrodite !