Une fille. Dans une chambre. Assise en tailleur sur un lit. Elle porte un tee-shirt rayé rouge et blanc, ainsi qu'un jean informe. Ses cheveux sont ramenés en queue de cheval. Sa frange lui tombe presque devant les yeux. La langue coincée entre les dents, elle se concentre pour faire pousser un palmier sur sa moquette. Elle sait qu'elle peut y arriver. Elle y met toute son âme, tout son coeur. Elle en a même oublié qu'elle est un garçon, à la base. Ces derniers temps, plus rien ne compte vraiment pour elle. Elle s'est égarée dans un autre monde qu'elle s'acharne à bâtir par la seule force de ses pensées.

"Allez, secoue-toi le cocotier..." dit-elle pour se motiver.

Elle plisse les yeux, ouvre les mains en grand et écarte les bras. Une tige sort du sol, serpente dans les airs tout en grossissant. Arrivée à un mètre du plafond, elle explose en une gerbe de feuilles vertes saupoudrées de sable. La fille tape dans ses mains avant de sauter sur son lit. Son palmier est trop beau. Il fait super classe dans sa chambre décorée d'extincteurs, entre sa télé, sa Play Station 3 et sa pile de jeux vidéo.

Soudain, elle penche la tête sur le coté, les yeux levés vers le palmier.

"Tu fais quoi ici, toi ?" demande-t-elle.

La question n'est pas adressée à l'arbre, mais à l'homme perché tout en haut, qui menace de tomber à tout instant.

"J'ai du créer quelqu'un sans m'en rendre compte." songe-t-elle à voix haute.

Elle décoche un grand sourire au type en agitant la main vers lui.

"Je m'appelle Ellie ! Et toi ?"

Toujours commencer par la politesse. Elle est une fille, un garçon... enfin, une personne bien élevée !

Wilson ne faisait que marcher comme tout le monde, se baladant dans les rues de Storybrooke, en route pour la boulangerie du coin. Il avait une soudaine envie de pain. De pain aux céréales pour être exact. Pendant plusieurs minutes il avait hésité à sortir, se demandant si ça valait vraiment la peine de se payer ce caprice... Après tout, il se faisait rarement plaisir. En plus, marcher, ça lui faisait faire du sport, c'est bon pour la santé. Ça compensera le fait qu'il mangera tout le pain tout seul. Sa veste serré contre lui, parce qu'on avait froid ici, il baissa les yeux sur ses chaussures pour ne plus se prendre le vent dans la figure. Sauf que...

Lorsqu'il releva la tête, ce n'était plus le vent le problème. Juste un palmier qui venait de lui défoncer... un endroit qu'on ne citera pas. Tout est normal. Parfaitement normal. Il ne se retrouvait pas encore sur l'île, quand même ? Sonné, regardant tout autour de lui et sur le point de glisser, il remarqua bien vite qu'il était en haut d'un arbre, se trouvant en plein milieu d'un appartement. Non mais vraiment, tout va très bien, il n'y a RIEN d'anormal ici. A part les jeux vidéos pas rangés. Limite ça le perturbait plus que cette arbre sorti de nul part planté dans un immeuble. Ou que sa téléportation soudaine.

« Tu fais quoi ici, toi ? »

Oh bah j'aimerai bien le savoir. En plus, qui était-elle, cette fille ? Il ne l'avait pas remarqué avant. C'était chez elle ? Oh, certainement... La situation était étrange. Comment avait-il pu se retrouver si soudainement à cet endroit, sans aucune transition, qui plus est sur un palmier ? Il essaya de se remémorer son parcours, un quelconque indice qui aurait pu le mener à cette conclusion, mais rien.

A part peut-être le café périmé. Oui le café devait être périmé. Il était en train d'halluciner.

« Je m'appelle Ellie ! Et toi ? »

Ellie. Pas mal du tout comme prénom. Il s'agita légèrement, trouvant sa position désagréable, grosse erreur de sa part. Il eut envie d'attraper la feuille la plus proche pour ralentir sa chute malheureusement, rien ne sert d'espérer, il était déjà en train de planer pour venir s'écraser au sol. Aplati... comme une patate, oui, une patate sautée. Avec les jambes en l'air sur le bord du lit, ne voyant même plus la tête de la jeune femme qui y était assise. Et pour une hallucination et ben la douleur était vachement réelle.

« Hum. Wilson. Je te serrerai bien la main mais là j'attends parce que ma fesse droite me fait mal. Désolé. »

Oui il s'excusait alors qu'il n'y pouvait rien, Will était de ce genre de personne.

« Je préfère les cactus. Mais les palmiers c'est bien aussi, ça pique moins, ça m'arrange. »

La chute est brutale, mais fort heureusement le matelas est là... ou pas. Ellie écarquille les yeux en voyant l'inconnu s'écraser sur le sol, loupant le lit de quelques centimètres seulement puisque ses jambes reposent tout contre, dressées, formant un V dans l'air.

La jeune femme pouffe entre ses mains. Elle ne se moque pas, mais la situation est vraiment trop drôle. Elle vient de créer un homme qui ressemble dans son comportement à celui qu'elle est quand elle est... masculine. Ca serait tout à fait son genre de s'exploser contre le sol alors qu'il y a tout ce qu'il faut pour amortir la chute. C'est pour cette raison qu'elle apprécie de suite l'inconnu. De toutes façons, si elle lui a donné forme, c'est qu'il ne lui ait pas tellement étranger. Il n’empêche qu'elle est à la fois impressionnée et un peu anxieuse de le côtoyer. C'est la première fois qu'elle parvient à un tel degré de perfection. Il a l'air... trop vrai. Trop parfait. Jusqu'à maintenant, les seuls êtres qu'elle a réussi à créer sont un peu trop avides de chair fraiche et possèdent un petit pois moisi en guise de cerveau.

Elle fait une moue en entendant la réflexion du dénommé Wilson sur les cactus, avant de hocher la tête. D'ailleurs, drôle de nom, Wilson. Elle n'y aurait pas pensé, alors qu'il est sa création. C'est bizarre que l'objet de ses rêves puisse développer ses propres opinions et se trouver un prénom qui ne lui plaise pas des masses. Elle hausse les épaules. Elle est habituée aux trucs bizarres. Elle-même est une aberration génétique.

Sans attendre, elle sautille jusqu'au bord du lit, ses cheveux longs rebondissant sur ses épaules, et s'accroupit sur la moquette, juste à coté de Wilson. Elle lui prend la main pour la serrer avec chaleur, puis, trop curieuse, elle se penche au-dessus de lui pour encadrer son visage de ses mains. Là, elle commence à palper ses joues, les pinçant légèrement, puis elle caresse son front, captivée par la douceur et la précision de ses traits. Pour une raison évidente, elle ne pouvait pas approcher suffisamment près ses zombies pour les observer en détail. Mais lui... il est parfaitement réel. Parfaitement humain.

Elle esquisse un sourire, toujours penchée au-dessus de lui. Ses cheveux effleurent le cou du jeune homme. Elle enlève une main pour s'appuyer sur la moquette, son autre main passant brièvement dans les boucles de Wilson. Et subitement, elle cogne du point sur son front.

"Ca ne sonne même pas creux !" s'écrie-t-elle, ravie. "Tu es vraiment réussi ! Je vais te garder !"

Elle se relève d'un bond. C'est l'un des plus beaux jours de sa vie. Elle a enfin réussi concrètement quelque chose. Donner la vie en étant une femme mais sans passer par la case accouchement, ce qui aurait été très traumatisant puisqu'à la base, Ellie s'appelle Elliot. Elle époussette son tee-shirt rayé rouge et blanc avant d'ouvrir la porte de sa chambre.

Puis elle retourne vers Wilson et l'aide à se remettre sur ses pieds d'un coup de main énergique.

"Tu veux faire un tour ?" propose-t-elle à sa création. "On a la maison pour nous tous seuls !"

Elle désigne d'un geste magistral la porte ouverte, qui au lieu de montrer le couloir, dévoile au contraire une vaste prairie verdoyante parsemée d'arbres qui dansent au rythme du vent.

Juste avant de passer la porte, elle se tourne vers lui et lui demande, soucieuse :

"Est-ce que tu es séduisant ? Je n'ai pas vraiment de critère de ce bord-là... Tu n'as pas l'air mieux que moi. Enfin par moi, j'entends l'autre moi. Quoique présentement je me trouve plus canon que toi, j'ai deux avantages que tu n'as pas !"

Avec un grand sourire, elle désigne sa poitrine avant de lever les pouces en l'air. Puis elle passe la porte. Elle ignore s'il va la suivre. Peut-être qu'elle lui fait peur ? Une personne peut-elle être effrayée par son créateur ? Elle lève les yeux vers le ciel bleu azur du couloir. Elle se dit qu'elle ne devrait pas se poser tant de questions à la frontière de son imagination.

Elle est bizarre. Définitivement. Déjà, normalement, quand quelqu'un se retrouve dans votre appartement comme ça sans crier gare, vous êtes choqués, un minimum, ce qui n'est pas son cas. D'un côté, elle a palmier près de son lit, ce qui donne tout de suite la couleur. Puis qu'est-ce qu'elle a à le toucher comme si c'était le premier humain qu'elle croisait de toute sa vie ? Wilson essaie bien de sourire mais tout ce qu'il arrive à produire se résume à une grimace difforme et loin d'être élégante. Il faut dire que ce n'est pas très agréable de se faire tripoter les joues, ça lui tire la mâchoire, en plus elle la regarde d'une façon étrange, ça le met mal à l'aise. Il a l'impression d'être... non. Ce n'est pas lui le problème. C'est elle. Très très très bizarre.
Il finit par se frotter le nez pour s'empêcher d'éternuer, parce que les cheveux d'Ellie n'arrêtent pas de le frotter et ça chatouille... Pourquoi elle lui touche les cheveux ?

« Ouille. »

Elle vient de le frapper. Enfin, frapper, c'est un bien grand mot mais c'est que notre petit Willy est très sensible, le pauvre, il ne s'y attendait pas.
Il ouvre de grands yeux lorsqu'elle prétend vouloir "le garder". Qu'est-ce que ça veut dire que tout ça ? Il n'est pas un objet ! On ne le prend pas comme ça, en prétendant avoir le droit de propriété sur lui ! C'est un homme, un vrai, un peu gringalet mais il a ce qu'un homme doit avoir où il doit l'avoir ! D'où pense-t-elle avoir le droit de se dire "Oh tiens, il est bien celui-là, je vais le poser dans mon salon il ira parfaitement avec le tapis" ? Bon, au moins, elle lui a fait un compliment. Quoi qu'il ne la connaissait pas assez pour savoir si c'en était réellement un... Réussi. Pour le rassurer, on va dire que c'est gentil de sa part et qu'il doit bien le prendre.

Wilson perd légèrement l'équilibre lorsqu'elle le remet sur pied en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Elle a de la force, cette nana, peut-être même plus que lui. C'est flippant. Mais c'est une hallucination. Rien n'a de logique ici. Comme cette prairie derrière la porte. Il ne pense pas que ce soit quelque chose de normal.
Penchant la tête sur le côté, il trouve la situation de plus en plus troublante... Sans oublier cette référence à sa poitrine qu'elle semble fière d'avoir. Tant mieux pour elle. Il faut assumer. Hum, il évitera tout commentaire histoire de ne pas passer pour un pervers. Il a l'air d'être coincé avec elle pour un moment en plus, autant... profiter de la maison, du coup. Il ne va pas rester planté là comme un idiot.

Prenant une grande inspiration, il s'avança vers elle, d'un pas assuré, le dos droit et la tête relevée.

« Je suis plus que séduisant. Je suis carrément canon. »

D'accord, il n'est pas du tout, mais pas du tout crédible. Au moins, il a essayé, c'est ce qui compte.

« La prairie manque de fleurs et de petits chiens. Mais elle est jolie. »

Il passe la porte et s'avance de quelques pas. Il aime bien l'herbe. D'ailleurs, il enlève chaussures et chaussettes pour mieux la sentir sous ses pieds. Elle est un peu froide, mais c'est sympa. Un bruit proche lui fait tourner la tête sur le côté et, fronçant les sourcils, il s'éclaircit rapidement la gorge.

« J'aime pas les chèvres. Et les chèvres m'aiment pas. »

Tout tremblotant, il se recula de plusieurs mètres en trotinant, fixant toujours l'animal posté devant lui, le regard noir et les sabots tapant le sol.
Ses yeux suppliants se posèrent sur Ellie.

« Fait la partir avec un palmier ! S'il te plaît ? »

Une douce brise fait frissonner Ellie. Il fait un peu plus frais dans la prairie du couloir que dans sa chambre. Elle passe les mains sur ses bras. Le vent traverse son tee-shirt rayé rouge et blanc. Aussitôt, elle fait apparaitre une veste noire en cuir sur ses épaules. Avec un sourire, elle se dit qu'elle devient aussi douée que sa mère pour faire surgir des vêtements de nulle part. Mais c'est facile, puisqu'elle se promène dans son imagination. Elle sautille dans la prairie, après avoir zippé le blouson pratiquement jusqu'au menton. Ses cheveux rebondissent sur ses épaules, sa frange ne ressemble plus à grand-chose mais elle s'en fiche. Elle entend la remarque de Wilson -jamais content celui-là- et se concentre juste un peu, fermant brièvement les yeux. Aussitôt, des fleurs multicolores jaillissent de terre et parsèment la prairie, en même temps que des chiots tout mignons sautillent dans l'herbe chantante.

Toute guillerette, elle se tourne vers Wilson et lance un drôle de regard à ses orteils qui remuent dans la verdure. C'est bien, il se sent chez lui. De toutes façons, chez elle, c'est chez lui. Elle suit son regard et découvre à son tour la chèvre.

"Qu'est-ce que ça fait là, ça ?" s'étonne-t-elle.

Elle ne se souvient pas avoir pensé à une bête à cornes. En parlant de cornes, la bestiole frotte la terre de sa patte avant et penche la tête vers Wilson d'un air menaçant. Pendant qu'il parle, elle se penche pour prendre un chiot qui sautille maladroitement entre les brins d'herbe, et le serre contre elle tout en le caressant.

Puis elle fronce les sourcils. Il veut quoi, qu'elle assomme la pauvre chèvre avec un palmier ? C'est un peu trop King Kong pour elle... Ellie est une personne délicate, réfléchie, intelligente...

Sereinement, elle repose le petit chien à terre et lui ordonne d'un ton autoritaire, le doigt dirigé vers la bête à cornes :

"Attaque !"

Le chiot, une petite boule de poils de la taille d'un bagel, dresse la queue vers la chèvre d'un air curieux, avant de bailler et de se rouler en boule pour dormir.

"Euh... attaque ?" insiste Ellie, d'un ton plus hésitant.

Elle lance un regard embarrassé à Wilson. Il a peut-être une meilleure idée...

Même si la chèvre le déconcentre ardemment, il doit avouer qu'il est impressionné. Tout n'est pas parfait, comme cette bête qui l'observe, mais Ellie a eu la gentillesse de ramener petits chiens et jolis fleurs dans le paysage, pour égayer un peu la situation. Alors, ça marche comme ça, ici ? Il souhaite quelque chose et elle le fait apparaître ? C'est plutôt sympa. Il devrait boire de ce café périmé plus souvent. En ce moment il allait pas bien en plus, ça peut pas lui faire de mal d'être dans cet endroit étrange et hors du temps !

Revenons-en à la chèvre, maintenant. Le visage de Wilson se décompose au fur et à mesure qu'il soutient son regard. Elle a l'air... habitée par le démon. Voilà, elle doit être possédée, quelque chose comme ça, dans un état second où seul la rage et l'envie de chaire fraîche l'anime. Avoir ce genre de pensées ne le rassure pas du tout, étrangement... Sans compter que les ordres que la jeune femme lance à son petit chien n'ont pas l'air de lui faire le moindre effet. Le pauvre, c'est un bébé, évidemment qu'il ne va pas se jeter sur l'autre animal comme ça, d'un claquement de doigts (il aurait apprécié mais bon, tant pis).

La chèvre semble presque amusée de les voir galérer. Elle est vicieuse, elle est mauvaise, il ne l'aime pas. Pas du tout ! Elle commence à battre de ses pattes un peu plus fort contre le sol et pousse... un bêlement (?) digne d'un... Oh, il en sait rien, il a juste la frousse là ! Mais genre, puissance mille !

« ON COURT ! MAINTENANT ! »

Il se dirige d'abord vers le chiot, il est tout petit, il ne peut pas le laisser là avec cette abomination. Puis sans attendre, il prend la main d'Ellie et se met à foncer dans la prairie sans même savoir si ça sert à quelque chose. Tu parles d'une idée de génie. En plus, pieds nus, ça lui fait mal et il n'est pas stable, il aurait du prendre le temps de remettre ses chaussures... Sauf que le cri de la chèvre dans son dos lui fait accélérer l'allure. Tant pis pour les chaussures.

Sans savoir comment ni pourquoi ni... sans rien savoir du tout, un tipi apparaît un peu plus loin. Autant dire qu'il ne se fait pas prier et balance presque le petit chien à l'intérieur quand ils se retrouvent à un mètre à peine. Puis il entraîne Ellie, sans un regard sur la chèvre dont il sent les dents s'accrocher à son pantalon, se cachant à son tour. Avec un bout de pantalon en moins.

La chèvre ne les suit pas. Elle aime pas les tipis ? Ils sont déjà assez serrés à trois là-dedans de toute façon. Son regard effrayé se pose sur la jeune femme... Sa respiration est rapide, saccadée et sa main toujours dans la sienne. Il est sans doute en train de la broyer. Mais ça le réconforte un peu, ça le rassure, sans compter que le calme n'a pas eu le temps de s'installer qu'une drôle de musique s'élève dehors et une odeur de brûlé lui parvient aux narines. La chèvre serait en train de brûler ? Ou... autre chose ? Il ne veut pas vraiment savoir, tiens.

« Hum... On est bien là, non ? Posés, tranquilles, je pense que je vais m'installer. »

Ça manque d'eau et de nourriture, puis d'un oreiller pour dormir, mais il fera avec.

Le belement fait dresser les cheveux sur la tete d'Ellie. Les chèvres ne lui ont jamais fait particulièrement peur, mais elle doit admettre que celle-ci est assez terrifiante. C'est alors que Wilson prend les choses en mains, comme un vrai mec. Ellie est toute contente. Jamais encore un homme n'a pris soin d'elle. En même temps, cette sensation que les choses soient inversées la met légèrement mal à l'aise. Mais elle ne peut pas en parler avec lui. Si elle lui dit qu'en réalité, elle est aussi virile que lui, il risquerait de prendre peur et de vouloir fuir. Et elle n'a pas envie de le perdre dans son imagination. Cette dernière est très vaste, elle mettrait des jours pour le retrouver, si jamais elle le retrouvait...

Wilson attrape le chiot d'une main tandis que de l'autre, il saisis celle d'Ellie. Et les voilà qui courent à travers la prairie pour échapper à la folie meurtrière d'une chèvre supposée carnivore.

Tout d'un coup : paf! un tipi ! Ellie se demande d'où il sort, car elle n'est pas particulièrement fan de ce genre de maisons. Si elle avait eu plus de temps et le cerveau moins embrouillé, elle aurait fait apparaitre une demeure en briques doublée d'un mur de dix mètres de haut, histoire qu'aucune chèvre ne puisse passer.

Ellie lâche un cri inarticulé en voyant Wilson lancer le petit chien directement dans le tipi. Il est malade ou quoi ? Ni une ni deux, elle pense "coussins". Une seconde plus tard, le chiot atterrit sur un duvet de plumes entouré d'une vingtaine de d'oreillers multicolores. Puis c'est leur tour. Ellie saute sur le tout dans un grand éclat de rire alors que Wilson se jette dans la mêlée de coussins, trop tendu pour trouver ça amusant.

Le tipi est plutôt étroit. Ils sont collés l'un à l'autre. Ellie serre plus fort sa main dans la sienne, trouvant ce contact tellement étrange. Il n'a pas l'air de vouloir qu'elle s'éloigne. Le souffle court, elle ouvre la bouche pour parler, mais c'est alors qu'une musique d'inspiration irlandaise s'élève au dehors, ainsi qu'un bruit de feu de camp. Une odeur alléchante parvient bientot à ses narines.

Finalement, c'est Wilson qui parle en premier. Ellie sourit en l'entendant. Il se plait ici, avec elle. C'est une bonne chose.

"Tu peux rester là aussi longtemps que tu veux." dit-elle en lâchant sa main pour poser sa tête contre son torse et en le serrant étroitement. "Je ne te demanderai pas de loyer."

Lentement, ils glissent vers le sol, déséquilibrés par le changement de position de la jeune femme. Elle ferme les yeux et fait apparaitre un autre oreiller de plumes juste avant que la tête de Wilson ne heurte le sol. Puis elle se détache un tout petit peu de lui pour tapoter sa chemise, l'observant d'un oeil curieux.

"Je pense que c'est le moment. C'est ma seule chance de savoir..." murmure-t-elle.

Lentement, elle se redresse, encadre son visage de ses mains avant de déposer un léger baiser sur ses lèvres serrées. Elle ne fait que les effleurer, avant de se reculer et de s'allonger sur lui, le fixant par-dessus ses bras pliés.

"Bizarre." analyse-t-elle en bougeant la bouche de diverses façons. "Je... je sais pas si j'aime bien. Ca me perturbe de ne pas savoir. Si j'avais été écoeuré, ça aurait été plus simple."

Elle lui décoche une petite tape sur le torse pour le réveiller un peu.

"Tu ne répètes ça à personne, ok ? Enfin d'un coté, je ne vois pas à qui tu le dirais... mais même, tu le dis pas. Ca doit rester entre toi et moi."

Un jappement se fait entendre, et elle se redresse, s'asseyant en tailleur pour attraper le chiot. Elle commence à le caresser, oubliant totalement Wilson toujours allongé sur les coussins, comme pétrifié.

Ellie ayant décidé de faire de lui son oreiller, il se retrouvait à se demander à quel point le choc contre le sol allait lui faire mal... Avant de réaliser qu'en fait, c'était tout doux, plutôt agréable. Tomber en général ne lui faisait pas cet effet, preuve encore que tout ça... c'était n'importe quoi. Il se calme au fur et à mesure au son de la musique qui s'élève dehors. La chèvre semble être partie, à moins qu'elle est simplement trouvée d'autres victimes. Ellie le regardait bizarrement, quand même... Non pas que ça l'inquiétait, il ne se gênait pas pour la dévisager en retour, c'est juste qu'il se demandait pourquoi.

« Je pense que c'est le moment. C'est ma seule chance de savoir... »

En une seconde à peine, des tonnes de théories prennent naissance dans sa petite tête. C'est une scientifique tarée qui veut observer son cerveau parce qu'elle sait que c'est un robot et elle veut savoir si il est comme les autres. A moins que ce soit quelque chose de plus gentil et qu'elle ait juste envie de lui couper les cheveux pour s'en faire une perruque...

A moins qu'elle ait juste envie de l'embrasser, même pas vraiment, juste poser ses lèvres sur les siennes.
On peut dire que Wilson est surpris par cette situation, il ne s'y attendait pas, il était bien loin de la réalité. Et elle est là, juste au-dessus de lui, alors qu'il a les yeux grands ouverts et la fixe perplexe. Il ne sait pas comment il doit prendre ce « bizarre »... C'est une bonne ou une mauvaise chose ? Mine de rien, ça semble être une manie assez répandue chez les filles étranges, d'embrasser comme ça sans raison. Entre Morri et Ellie... Oh, c'est qu'il doit faire de l'effet, après tout.

« Je... je sais pas si j'aime bien. Ça me perturbe de ne pas savoir. Si j'avais été écœuré, ça aurait été plus simple. »

Hum, sympathique. Au moins, elle faisait noter qu'elle n'était pas dégoûtée par ce contact, il se contenterait de retenir cette partie de sa phrase et de ne pas prendre le reste en compte histoire de ne pas avoir une baisse de confiance phénoménale. Il se secoue légèrement lorsqu'elle lui tape le torse et hoche la tête, obéissant, à sa demande. De toute façon, qui irait le croire ? J'ai une nana qui m'a embrassé dans un tipi après qu'on ait échappé à une chèvre meurtrière. Bien sûr.

Wilson pousse un soupir lorsqu'elle le laisse pour aller voir le petit chien, sans savoir si c'est du soulagement ou juste... parce qu'il est indécis.

« Tu devrais lui donner un nom. » C'est la moindre des choses, elle a l'air de l'aimer, Will donne toujours des noms à ce qu'il aime bien.

Il se redresse, toujours un peu perturbé et décide, pris de courage, de curiosité ou de folie pure à jeter un œil dehors. Le décor est le même. La plaine, les petites fleurs, des collines au loin... A l'exception près qu'à quelques mètres d'eux se tient un feu de camp énorme, avec des flammes toute aussi grandes, autour duquel se... Attendez. C'est pas possible... Mais il est dans une hallu. Donc c'est normal s'il voit deux, trois sirènes en train de flotter dans des baignoires en bois en tapant des mains. Puis aussi des genre de leprechaun (dont un avec un tutu vert qui lui va, étrangement, à ravir) jouant d'instruments dont il ignorait l'existence, alors que la chèvre avait... disparue. Pas totalement cela dit, une statut de feuilles semblant la représenter en train de danser trônait derrière tout le groupe. Qui, au passage, était accompagné d'une girafe en train de manger la statue chèvre.

Choqué, Wilson rentre de nouveau sa tête dans la tente, sans trouver ses mots.

« C'est trop bizarre... Je sais pas si je dois pleurer ou me mettre à rire... Je vais rire. »

Et il se mit à rire sans raison. Ce qu'il aurait peut-être du s'abstenir de faire parce que c'était loin d'être discret... en moins de temps qu'il n'en fallait pour cligner des yeux, le leprechaun à tutu avait ouvert le tipi. Ils avaient de grands grands yeux et de longs longs cheveux et un sourire... un grand grand sourire.

« Joli ! Joli, joli ! qu'il disait en regardant le tee-shirt d'Ellie avec admiration.
- Enchanté également. » Étrangement, Willy avait arrêté de rire et semblait plus sur le point de faire une crise cardiaque.

"Spock !"

Le mot était sorti tout seul. Et puis je trouvais que ça lui allait bien. Au chien, pas à Wilson. Lui, il avait plutôt une tête à s'appeler Elton. Mais bon, Wilson... Elton, ça sonnait presque pareil, donc ça ne me dérangeait pas trop.

Wilson s'extirpa tant bien que mal de la tente. J'attendis, gardant toujours le petit chien contre moi. Il revint aussitôt, sans trop savoir quoi penser de ce qu'il venait de voir. Je fronçai les sourcils, esquissai un pas pour regarder à mon tour, quand un drôle de petit bonhomme aux longs cheveux entra sous la tente.

"Oh, merci ! C'est juste un tee-shirt à rayures, mais je suis ravie qu'il vous plaise !" m'écriai-je, toute contente de recevoir un compliment d'un leprechaun.

Wilson semblait sur le point de se sentir mal. Visiblement, tout ce remue-ménages commençait à être un peu too much pour son cerveau. Gentiment, je lui pris la main pour l'entrainer dehors. Un spectacle époustouflant nous attendait. Trois sirènes se prélassaient dans des baignoires tandis que d'autres leprechauns jouaient une musique entrainante. Je posai Spock sur le sol qui jappa gaiement en sautillant dans l'herbe, puis je me mis à battre la mesure en tapant dans mes mains.

"C'est sympa, non ?" fis-je par-dessus le bruit tout en me tournant vers Wilson.

Oui, c'était hyper sympa... de se promener dans mon imagination pour y voir ce genre de grand délire. Heureusement que Wilson n'existait pas, car si j'avais emmené une vraie personne là-dedans, je me serais sentie vraiment embarrassée.

Soudain, un feu d'artifices explosa dans le ciel. Des gerbes de couleurs éclatantes fusèrent dans la voute étoilée. J'enveloppai le spectacle d'un oeil émerveillé. Des animaux se dessinaient en volutes multicolores : un lapin, une licorne, un oiseau, une girafe, une chèvre...

Je pris de nouveau la main de Wilson dans la mienne. Elle n'avait pas été très dure à trouver, à croire qu'il se tenait vraiment tout près de moi.

Quelqu'un se racla la gorge et je baissai les yeux sur le leprechaun en tutu qui tenait un gros livre ouvert sur ses bras minuscules. Il avait chaussé des lunettes.

"Nous sommes réunis en ce jour pour célébrer l'union de Ellie et de Wilson, deux âmes égarées qui se sont trouvées au pays des rêves bleus !"

Je me mis à rire comme une dinde. Non, là ça devenait un peu trop. Est-ce que j'étais folle au point de pousser le vice jusque là ? Je commençai à me poser des questions sur ma santé mentale.

Quoi qu'il en soit, je me tournai vers Wilson et lui lançait un regard comme pour dire : "Bah, ça te dit ?". Mieux ne valait pas décevoir les Leprechaun, ils sont très rancuniers.