« Take a breath. Take it deep.
Calm yourself... »

The Last of us : prologue à l'apocalypse

Il y avait de plus en plus de monde. J'étais partagé entre un sentiment de fierté car mes invitations avaient visiblement tenté beaucoup de gens, et une envie de cogner sur quelque chose, n'importe quoi. Heureusement que la mission zombies approchait, car j'allais enfin pouvoir me défouler.

En accueillant les nouveaux venus, j'avais tourné la tête un court instant pour voir Lily rouler une pelle à l'espèce de phasme géant vêtu d'une tenue de camouflage. J'avais crispé les poings si fort que les jointures de mes doigts avaient bleui. Puis j'avais du m'efforcer de paraitre décontracté tandis que le type me poussait limite mon ex dans les bras. C'était quoi, ce délire ? On n'était pas dans un club échangiste, non mais ! Ici, c'est un endroit respectable, où il est impératif de trouer le cerveau de tous les morts-vivants !

Je tapotai des doigts contre le flingue sagement rangé dans mon holster droit, bien tenté par l'idée de le dégainer et de repeindre les murs avec la cervelle de Théodore le tombeur. Cependant, je devais me contrôler. Je m'efforçai de ne pas regarder Lily. En tous les cas, Théodore était d'accord sur le fait qu'elle n'était pas apte à suivre une aventure aussi physique. Je ne pus réprimer un roulement d'yeux en entendant sa réaction lorsqu'il apprit qu'elle était enceinte... Eh bien bravo, il n'était même pas au courant ! Décidément, Lily était championne tous niveaux pour ce qui était de mentir à ses petits amis ! Savoir qu'elle faisait la même chose avec le nouvel heureux élu ne me consolait même pas. C'était d'un pathétique.

Je décidai de prendre le dessus. Montrer ma peine ne me donnerait aucun mérite auprès de mes futurs potentiels nouveaux clients. Je levai haut le menton pour saluer chaque nouvel arrivant d'une poignée de main ferme, genre super aventurier sur de lui. Je remarquai que nous étions plus de garçons que de filles. En fait, pour l'instant, il n'y avait qu'une fille : Lily. Normal, ce genre d'activités devaient passionner davantage les hommes que les femmes. Et Lily... Ou alors, sa présence était due à autre chose sur laquelle je n'avais vraiment pas envie de réfléchir pour l'instant.

A mesure que je me présentai à tous, une sorte d'assurance s'empara de moi. Je m'avançai vers le petit gars avec les cheveux bouclés et lui serrai la main avant de lui tapoter l'épaule.

"Elliot, absolument enchanté."

Puis, la fille entra. LA fille. Rousse, élégante, pas vraiment habillée pour la situation. Jolie, maquillée comme une poupée, avec des bottines qui me sautèrent aux yeux. Wouahou... des dragons ! Elle était vraiment canon. Machinalement, je détournai les yeux. Puis, me souvenant que j'étais célibataire -bon sang !- je décidai de mettre un plan machiavélique à exécution.

Je me précipitai vers elle, passai devant Jay pour saisir la main de la belle avant lui.

"Désolé, vieux." lui lançai-je à voix basse comme si nous étions de vieux potes. "C'est pour la bonne cause, tu vois..."

Puis, tournant la tête vers la dénommée Mure, j'écarquillai les yeux d'un air tout à fait charmeur -ou un peu demeuré, au choix- et déclarai d'une voix suave :

"Elliot Sandman, pour vous servir. Je suis le maitre des lieux."

Et humble, avec ça. Délicatement, je fis pivoter sa main et me penchai en avant pour y déposer un baiser, façon dandy des années 20.

"Je sais que j'abuse peut-être avec la bienséance, mais vous aurez bien le temps pour découvrir toutes les horreurs que je vous réserve. Êtes-vous certaine d'avoir le coeur bien accrochée, Mure ?"

Pourquoi parlais-je d'un ton pompeux, comme si j'avais fumé un joint ? Ca devait être le style qui allait avec le dandy, bien que je n'en sois pas très sur. Je tentai de garder mon air séducteur. Je savais que Lily n'en perdait pas une miette.

Et les autres non plus, d'ailleurs. Je n'avais pas pour habitude de me donner en spectacle, sauf quand je brulais tous mes vêtements dans un accès de flammes et que j'étais contraint de me balader tout nu dans Storybrooke (parenthèse, cela ne s'est produit qu'une seule et unique fois, demandez à la shérif !). D'ailleurs, c'était involontaire.

Je lâchai donc la main de la demoiselle avec un sourire, pour lancer un regard aux participants.

"On va bientot commencer." dis-je d'un ton caverneux. "Je crois que nous sommes presque au complet..."

Un gargouillis s'échappa de ma gorge tandis que je levai les bras lentement, imitant un zombie. Constatant qu'ils n'avaient pas l'air très impressionné, je baissai les bras et reprenant une voix normale, je demandai, passant une main dans ma nuque :

"Si j'en fais trop, il faut me le dire. Je peux aussi faire un spectacle son et lumière si vous voulez, le temps qu'on attende les derniers. Je maitrise assez bien la foudre maintenant. Preuve en images !"

Aussitôt, je levai une main d'un air concentré et un éclair s'échappa de ma paume, heurtant une applique au mur qui explosa dans un tintamarre assourdissant. J'émis un grognement embarrassé en constatant que le mur était à moitié carbonisé, avant d'enfouir les mains dans mes poches. C'était plus prudent d'attendre sagement l'arrivée des retardataires, finalement.

Fort heureusement, je n'avais blessé personne. Je remarquai que seul monsieur Théodore avait tout un coté du visage couvert de suie, mais il ne semblait pas s'en être aperçu. Ne comptez pas sur moi pour le lui dire...

« If we hold on together. I know our dreams will never die... »

Je n'avais jamais vu autant d'étoiles d'arbre de ma vie. Là d'où je venais, c'était une denrée rare. Mais ici, les feuilles poussaient à foison ! J'aurais pu m'en rassasier jusqu'à plus faim, mais depuis que j'étais devenue une Deux-Jambes, le gout me semblait amer et pâteux. A peine arrivée dans cette étrange ville, je m'étais jetée dessus et en avais dévoré une. Je l'avais très vite recrachée, sous l'oeil étonné de quelques passants. Ce n'était plus le même gout. Tout avait changé.

Heureusement, Maman m'avait conseillé d'autres nourritures. Des choses oranges, rouges et rondes, ou d'autres de toutes formes. Je ne les appréciais pas plus. Oh, j'aurais tant aimé retrouver la fraicheur des vertes prairies de la Grande Vallée ! Là-bas, l'herbe était à la fois fondante et croustillante. Elle dispensait une odeur de menthe poivrée qui me faisait éternuer dès que j'en mangeais. Cela faisait rire mes amis. Où étaient-ils, à présent ?

J'étais comme redevenue à la case départ. Seule, loin de ceux que j'aimais, mais pire qu'un tremblement de terre, c'était tout un monde qui nous séparait. Maman m'avait tout expliqué. Il faudrait aller bien plus loin que le Rocher en forme de Long-Cou ou les Montagnes qui brulent. Pour l'instant, je ne savais par où commencer ma route.

"Laisse ton coeur te guider. Il murmure alors écoute-le attentivement."

"C'est pas facile." répondis-je à Maman. "Il bat différemment ici. Il est plus lent. J'ai l'impression qu'il va s’arrêter parfois."

Je posai une main contre ma poitrine, fermai les yeux, et écoutai malgré tout le battement régulier à l'intérieur de moi. Au bout de quelques minutes, je soulevai les paupières. Eh non, toujours pas d'indice. Je me trouvai à la frontière de la ville, marchant au bord de la route bétonnée. A quelques mètres, un entrepôt baignait dans la lumière du soleil matinal. Il était vraiment très impressionnant. Pas aussi grand que Maman, mais tout de même imposant.

Je passai une langue sur mes lèvres, hésitant à m'approcher, mais prenant mon courage à deux mains, je m'élançai à la rencontre du géant de fer rectangulaire. Juste avant d'entrer, je fis un détour par la lisière de la foret qui jouxtait l’entrepôt, détachai délicatement une étoile d'arbre d'une branche basse et entrai à l'intérieur.

Il faisait nettement plus sombre qu'au dehors, même si de jolies lumières éclairaient les murs, telles des abeilles rouges gonflées de pollen. Il y avait beaucoup d'abeilles rouges dans mon pays. Elles ne piquaient pas. Elles étaient juste jolies et faisaient "bzzz" dès que je mangeais la fleur qu'elles convoitaient.

Je regardai avec curiosité. Quelques Deux Jambes se trouvaient là. Ils étaient rassemblés en petits groupes. Apparemment, une fête se préparait. J'étais vraiment contente d’être arrivée à temps pour voir ça !

Je m'avançai timidement vers eux, les mains dans le dos. Je les observai à la dérobée. Aucun d'entre eux ne s'était encore rendu compte de ma présence. Il faut dire qu'ils étaient tous focalisés sur le mur tout noir sur lequel une lampe grésillait, à l'agonie.

La mort planait au-dessus d'eux, mais ils ne le savaient pas encore. Je la sentais chuchoter, aussi surement qu'un cours d'eau. Je ne parvenais pas à entendre ce qu'elle disait. Il y avait trop de voix entremêlées, trop de mots inarticulés... Je n'entendais que "manger...", "manger...". Qu'est-ce que cela signifiait ? C'était comme un râle charriant des milliers de voix douloureuses. Je plaquai les mains sur les oreilles. Finalement, je n'aimais pas trop cet endroit.

Je me mordis les lèvres et m'avançai vers le jeune homme qui semblait le plus chétif de tous, un peu en retrait. Les cheveux bouclaient sur sa tête et il me faisait penser à mon ami Petri, celui qui ne savait pas voler. Je me plantai face à lui et lui pris la main pour y glisser l'étoile d'arbre.

"Garde-la. Elle te portera bonheur." déclarai-je d'un ton assuré, plongeant mon regard dans le sien. "Tu ne devras jamais la perdre, tu as compris ? C'est très précieux."

Je hochai brusquement la tête, histoire de bien lui faire comprendre, puis je m'éloignai de lui pour m'approcher du groupe. Là, je tapotai du doigt dans le dos du jeune homme le plus proche, celui qui était couvert de suie et qui portait une tenue verte comme les feuilles des arbres.

"Bonjour !" dis-je d'un ton poli. "Connaissez-vous le chemin de la Grande Vallée ?"

Puis j'ajoutai, à voix basse à l'adresse de tous, le regard fuyant :

"Si j'étais vous, je partirai tout de suite. C'est dangereux, ici. Très dangereux."

Je croisai les bras, me mordant à nouveau les lèvres face à l'assaut des voix qui marmonnaient sans discontinuer : "Manger... Manger..."

I WILL SURVIVE,
I KNOW I WILL STAY ALIVE.

C'était compliqué de suivre tous ces gens qui parlaient, mais Wilson savait se concentrer quand la situation le lui obligeait. Mure fit donc son entrée, mais elle, il l'avait déjà croisé. Mushu le dragon. Il lui offrit un petit sourire et ne prit pas la peine de se présenter à elle, après tout si elle avait bonne mémoire, il n'en avait pas l'utilité. Mieux valait se concentrer sur ceux qu'il n'avait jamais croisé. C'était bizarre de se dire que dans une si petite ville, si peu de personnes se connaissaient vraiment, d'ailleurs... Il avait serré gentiment la main de Jaimie, celui avec les chaussures plutôt cool et les mêmes cheveux que lui. Enfin non, ceux de l'autre mec avaient l'air plus soyeux. Il faudrait qu'il lui demande la marque de son shampoing, après la partie, ça pourrait lui être utile.

- Wilson. Will. Willy. Il s'était sentit obligé de rajouter des surnoms derrière lui aussi, pour faire comme Jaimie, Jay.

Elliot se présenta également avant d'aller draguer le dragon. Si seulement il savait dans quoi il se lançait le pauvre... à sa place en tout cas, Will ne la sous-estimerait pas. « On va bientot commencer. Je crois que nous sommes presque au complet... » Alors, il manquait encore quelques personnes. Sans doute d'autres gens dont il n'avait aucune idée de l'identité. Oh, ça lui ferait des connaissances en plus, ça pouvait toujours servir ! Le social n'était pas sa spécialité mais bon, faut bien se lancer de temps à autre.

- Oh, tu as de la chance de l'avoir de ton côté ! Je l'ai rencontré sur une île, on y est resté un bon moment tout les deux, c'était plutôt intense. se contenta-t-il de répondre à l'autre ami de Morri. Mieux valait ne pas rentrer dans les détails.

Par contre, il se serait bien passé de l'éclair écrabouilleur de lumière que venait de lancer le propriétaire. Ils avaient tous des pouvoirs comme ça ou c'était le seul ? Non parce que Will lui, à le domaine des poubelles, ses capacités spéciales étaient limitées. J'aurai du embarquer l'arc. Avec ça en main, il aurait fait des ravages.
Il allait suivre le reste de la conversation quand une jeune fille se planta devant lui. Elle était adorable, avec ses grands yeux et son air innocent. Elle lui une... feuille. Une jolie feuille. C'était tellement mignon... « Garde-la. Elle te portera bonheur. Tu ne devras jamais la perdre, tu as compris ? C'est très précieux. » D'un coup, il pensa à Eve. La plante qu'il devait protéger afin de sauver l'humanité, en résumé. Et il ne put s'empêcher de sourire en la remerciant d'un murmure, presque ému. Il lui aurait bien fait un câlin mais elle partait déjà vers les autres participants. Il tenait soigneusement le bien qu'elle lui avait offert dans ses mains, ne voulant pas l'abîmer ou la casser. Il avait à présent un nouvel objectif s'ajoutant à celui de la survie.

La petite qu'il aimait déjà comme sa meilleure amie leur parla d'un danger et cela lui fit plisser les yeux... Sans compter que l'ami de Morri en rajoutait une couche. Non mais si y'avait un truc louche, pourquoi est-ce qu'ils se jetaient les yeux fermés là-dedans ? … Oh puis merde. Il n'avait plus grand chose à perdre et ça ferait de l'expérience à rajouter sur son cv – même si son cv lui servait plus à grand chose.
Une autre fille s'était incrustée dans le groupe mais, à sa grande surprise, elle ne semblait pas appréciée par quelques uns des autres protagonistes. Lui ne la connaissait pas, donc bon, il lui fit un petit coucou encourageant de la main, un semblant de soutien. Il était plutôt d'accord avec l'idée de débarrasser le monde des idiots, elle ne semblait pas stupide, même si elle pensait à voix haute... Il tourna légèrement le regard et se retrouva face aux énormes yeux de Jaimie. Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

- J'ai une tâche sur le nez ? Non me dis pas que je saigne, ça m'arrive des fois, mais en général c'est quand je regarde trop la télé... Je saigne pas du nez hein ? Il tourna sur lui-même, enfin plus pour interroger globalement chacune des personnes présentes mais ça pouvait paraître assez étrange. Comme un chien qui tourne autour de sa queue. Mais Will n'est pas un chien. Il aime bien les chiens, ça s'arrête là. Si on gagne tournée gratuite au Granny. Ahhh... d'accord. Il avait soif maintenant. On aurait le droit à des gâteaux aussi ? J'aime bien les tartes aux pommes. Et il avait faim du coup.

- Last of Us : Se préparer à l'attaque ! -

Non, non, non, je n'allais pas voir Elliot comme Théo aimerait. Pas question! S'il y avait un problème à régler, c'était pas à moi de le faire et surtout pas ici. J'étais venue dans le seul but de m'amuser et j'avais pas utilisée toutes mes économies pour acheter cette tenue, ni même passée des heures à me préparer pour autre chose que de pouvoir m'éclater entre potes. Le seul hic, c'était que maintenant que Théo s'était éloigne, je m'étais retrouvée toute seule et sans les... potes pour lesquels j'étais venus.

En regardant autour de moi, il n'y avait pas grand monde que je connaissais, en dehors de... Elliot et... C'était qui cette rousse à qui il parlait? Ah ben voilà qu'il tentait de me rendre jaloux. Très fairplay de sa part, mais s'il croyait que j'allais entrer dans son jeu, il se mettait son doigt divin dans le nez ! J'avais détourné le regard et croisé les bras. Après tout avec cette tenue, ce look d'enfer et mes yeux de biche, un magnifique garçon allait sans doute venir m'accoster. J'avais attendu quelques secondes... minutes... Tout le monde semblait être occupé dans son coin et concentré sur la suite des événements. Pourquoi j'étais venue ici moi?

Je serais bien partie, mais en voulant me diriger vers la sortie, j'avais été interpellé par une jeune femme qui nous avait rejoint et qui disait des choses bizarres. Du genre "bouuuh vous allez tous mourir, fuyez"... A cause d'elle si je sortais maintenant on allait me prendre pour une trouillarde. Aussi choupi qu'elle était, je la détestais. J'avais fait quelques pas en direction du buffet pour prendre quelque chose à boire, puis je m'étais éloigné de la foule pour... tomber nez à nez avec la jeune fille.

"Euh... Salut... Lily." avais-je dit en tendant ma main.
- T'as une de ces poignée de main! Musclée la petite! Je lui donne pas plus de vingt ans, mais déjà un corps de rêve!

Non mais tu vas arrêté?
- Je l'ai pensé, je ne l'ai pas dit, je fais des efforts...
C'est pas une raison!

J'en avais plus qu'assez de François qui n'arrêtait pas d'intervenir quand il ne devait pas. D'accord, il l'avait pensé et ne l'avait pas dit, mais ça n'empêchait pas qu'il... Il y avait un jeune garçon qui se donnait en spectacle. Je l'avais regardée attentivement... A première vue il ne saignait pas du nez, il paniquait simplement. Un petit sourire s'était affiché sur mon visage. C'était lui le beau mec qui allait m'aider pour...

J'avais fait quelques pas dans sa direction avant d'être traînée en arrière. Je devais paraître bizarre, car tandis que je mettais un pied devant l'autre, je voyais mon pied allait en arrière au lieu d'en avant... Rooh François !

- Quoi merde? Je t'évite de faire une bêtise, alors reste à ta place! En plus t'as vue sa tête? Il a l'air tout chétif. T'as Elliot, tu en restes à Elliot.

"Je n'ai pas Elliot, c'est bien ça le problème, alors arrête de vouloir diriger ma vie!"

J'avais peut être parlé un tout petit peu trop fort. Je m'étais tournée et je m'étais une nouvelle fois trouvé face à la jeune fille.

"Je répétais une scène. Je joue au théatre, dans euh... L'attardée de Molière."

Pfff. J'aurai vraiment mieux fait de partir.

« If we hold on together. I know our dreams will never die... »

Le grand Deux Jambes aussi fin qu'un haricot vert -et aussi vert, d'ailleurs- ne me fut pas d'une grande aide. C'est étrange, pourtant j'aurais juré qu'il était le guide de cette équipée, et que par conséquent il aurait pu m'indiquer le chemin le plus court pour atteindre la Grande Vallée. Il fallait croire que mon sixième sens me faisait défaut. De toutes façons, mon intuition était parasitée par l'omniprésence de toutes ces voix entremêlées qui répétaient sans arrêt le même mot, comme une litanie douloureuse.

"Ce n'est rien. Vous avez fait l'effort de me répondre et c'est déjà beaucoup. La plupart du temps, les gens m'ignorent. Je ne leur en veux pas. C'est logique de rester indifférent aux choses qu'on ne comprend pas."

J'esquissai un pale sourire avant de risquer une main vers son visage pour frôler sa joue. Je cherchai à en retirer un peu la suie. La marque de mes doigts laissa une trainée plus claire contre sa peau noircie. J'enlevai aussitôt ma main comme si je m'étais brulée. J'oubliais parfois que ce genre de contact ne se faisait pas chez les Deux Jambes. C'était, parait-il, malpoli. Effronté, même. Seulement, je trouvais logique de toucher les gens autrement qu'avec des mots.

« Vous avez raison, mon instinct de survie me dit depuis el début que c'est louche. Mais ne vous inquiétez pas, je penses que c'est juste à cause du propriétaire des lieux. »

Intriguée, je suivis son regard et fronçai les sourcils en découvrant un homme très grand et tout fin comme celui auquel je parlais. C'était le même modèle, à peu de choses près.

« Non c'est pas Elliot le problème, c'est elle. »

Changement de direction. Décidément, mon nouvel ami ne savait plus où donner de la tête. J'étais quelque peu déstabilisée par toutes ces personnes qui semblaient se connaitre. J'étais l'étrangère. Pour tout dire, je ne savais pas ce que je fichais ici. C'était toujours mon problème : fourrer mon nez dans des affaires qui me regardaient pas, comme quand j'avais joué avec Cera dans la mare, et que Dent-Tranchante avait surgi... Ca m'en avait couté beaucoup ce jour-là. Je passai la langue sur mes lèvres tremblantes et serrai les bras contre moi, avant de m'écarter du groupe.

Va-t-en... Pars d'ici au plus vite.

"Euh... que ce qui est dangereux ? Si ça pouvait nous débarrasser des idiots de ce monde, je suis preneuse."

Je me tournai vers la jeune femme brune qui s'adressait à moi. Elle était très éloquente, très sure d'elle. Dans le monde d'où je venais, elle aurait été un ptérodactyle. Ou un petit animal aux dents très aiguisées... Elle avait un petit coté intimidant. Au départ, j'eus l'idée de ne pas bouger d'un millimètre, espérant qu'elle allait oublier ma présence et passer son chemin. C'était ainsi que Maman m'avait appris à me protéger des prédateurs. Ne plus respirer, ne plus remuer.

Cependant, au bout de plusieurs minutes, je manquai tellement d'air que j'ouvris grand la bouche pour inspirer un grand coup, les yeux écarquillés et les joues rouges. Je pris le temps de retrouver une respiration normale avant de répondre à mon interlocutrice :

"Oh, ça ne serait pas facile à définir. Parfois, certains ont l'air idiot alors qu'ils sont très intelligents, et d'autres sont stupides en faisant croire le contraire. De toutes façons, ce qui grogne ne fera aucune différence... Ca va tout engloutir, tout dévorer..." dis-je en frissonnant.

Je frictionnai mes bras, fixant la jeune femme à travers une mèche d'or pale. J'avais l'impression qu'elle ne me croyait pas. Pourquoi personne ne prêtait attention à mes mises en garde ? Probablement parce que je n'étais personne d'important. Je disposai de toutes les connaissances, grâce à mes conversations avec les défunts. Ils aimaient m'apprendre des tas de choses sur les siècles passés. J'étais assurément le dinosaure le plus cultivé de la création ! Hélas, ce savoir ne m'accordait aucun crédit auprès des Deux-Jambes.

Je haussai les épaules. Cela m'était bien égal, mais j'étais triste pour eux. Ils allaient mourir et souffrir horriblement, et je ne pouvais rien y changer.

Une autre jeune femme attira mon attention. Elle venait de prendre un rafraichissement. Je m'approchai d'elle à petits pas précautionneux. Elle sembla étonnée de me trouver derrière elle. Il faut dire que j'avais été particulièrement silencieuse.

"Euh... Salut... Lily."
"Non, moi c'est Astrid." dis-je, indécise.

Peut-être avais-je une tête à m'appeler Lily ? Après tout, j'ignorai comment les Deux-Jambes choisissaient leurs prénoms. Dans mon monde, c'était symbolique...

Brusquement, cette question fut balayée par la voix de quelqu'un. Une voix d'homme, à la fois grave et nonchalante, qui ne venait de nulle part et de partout à la fois. Je sus aussitôt ce que cela signifiait. La voix se détachait clairement du marasme de grognements agonisants. J'observai la brune avec une curiosité accrue, la bouche entrouverte dans une expression émerveillée. Elle s'éloigna de moi pour s'approcher de celui à qui j'avais confié l'Etoile d'arbre. Cependant, ses jambes ne semblaient pas d'accord avec le reste de son corps. Elle exécuta une drôle de danse avant de se stopper.

- Quoi merde? Je t'évite de faire une bêtise, alors reste à ta place! En plus t'as vue sa tête? Il a l'air tout chétif. T'as Elliot, tu en restes à Elliot.

Je me précipitai vers elle et lui saisissant le bras, je murmurai, surexcitée :

"Vous partagez votre corps avec un esprit ! Ca doit être tellement bien ! J'arrive seulement à leur parler. C'est déjà pas trop mal, mais ce que je voudrais vraiment, c'est... revoir une personne qui m'est chère. La voir vraiment, pas uniquement à travers les nuages. C'est... c'est ma maman, vous comprenez. Est-ce que vous arrivez à voir le visage du défunt qui est avec vous ?" demandai-je avidement dans un chuchotement.

C'était tellement surprenant. Finalement, je ne me sentais plus si seule que ça entourée de tous ces gens. La voix de l'homme dans la tête de la jeune femme brune me rassurait. Les morts étaient toujours gentils avec moi.

Je m'aperçus trop tard que, dans ma hâte, j'avais totalement ignoré ses paroles. Je tentai de paraitre intéressée, même si toutes mes pensées étaient focalisées sur cet étrange cas de possession qui pourrait peut-être me faire revoir Maman.

Entretemps, la voix de l'homme m'apprit une chose à laquelle je ne m'attendais pas. Je crispai davantage mes doigts autour du bras de la brune, une moue soucieuse sur mon visage.

"Vous voulez vraiment aller jusqu'au bout de cette aventure ? Il risque d’être changé à jamais..."

Je lançai un regard pensif sur le propriétaire du laser game qui s'agitait, entouré du groupe de Deux-Jambes. Puis je posai une main douce sur le ventre de la jeune femme.

"Soyez certaine de votre décision. Plus rien ne sera comme avant."

Les voix entremêlées s'impatientaient. Elles se lamentaient de plus en plus fort. Elles hurlaient presque leur lente agonie...

Je fermai les yeux et plongeai la main dans la poche de mon short. Puis je revins vers le petit groupe, et sortis un mouchoir blanc que j'agitai sous les yeux du Deux-Jambes tout bouclé, tel un drapeau blanc de mauvais augure.

"Ton nez a une proportion tout à fait normale, mais tu vas saigner très bientot. Tu devrais prendre ça avec toi." dis-je en désignant le mouchoir du bout du menton. "Ca fait le deuxième cadeau que je te donne. J'espère que tu m'offriras une part de tarte si tu t'en sors."

Puis je répétai pour moi-même, avec un sourire sans joie, le regard dans le vague :

"Si seulement vous vous en sortez..."

Finalement j'étais revenue dans cette ville de pourrit jusqu'à la moelle, j'étais déçue, j'avais enfin retrouvé ce que je voulais : être sur ma terre natale avec Nala, bon il manquait les autres, mais il aurait pu venir, il aurait juste fallu que j'ai mon corps de félin. Mais non ! C'était à nous de revenir ici … Tss. Bon de toute manière si c'était pour rester à me faire bouffer encore par les hyènes non merci, quoique je l'avais bien shooter la hyène, bim coup de pied dans sa tronche la grognasse ! En tout cas ma cicatrice à la joue se voyait encore, il fallait vraiment qu'elle parte, c'était moche, je voulais pas ça sur mon corps de lion, celle au ventre pourquoi pas. Profonde comme elle l'avait été, aucune chance qu'elle disparaisse à mon avis.

Enfin du coup je savais ce que je devais faire : surveiller Aloysius, lui j'étais pas prête de retourner chez lui pour lui parler de ma vie de lionne ! Dire que je lui avais dis plein de chose sur les autres, qu'est-ce qu'il avait dû se marrer quand je partais, la pire idiote de tous ses patients j'en suis sûre ! Quoiqu'il avait eut Darshkan aussi … Oui monsieur le maire devait vraiment bien rigoler après ses séances. Dire que j'avais eu raison quand à mes doutes sur lui … vraiment qu'elle belle idiote j'avais été ! J'en avais honte. Plus nulle que moi devais pas y en avoir des masses.

Du coup j'avais décidé de surveiller un peu Aloysius de plus prêt, et je savais qu'il devait aller à un truc qui s'appelait « Laser Game » non mais vraiment les humains et le conneries de nom à la con, qu'est-ce que ça pouvait bien être que ce truc encore ? Fallait qu'ils arrêtent deux minutes d'être cons et faire des choses simples, ça leur feraient pas de mal, pour ça qu'ils s'étaient pris une malédiction ! En tout cas c'était dans un endroit miteux que j'avais dû me rendre, une chance que j'ai commencé à apprendre à lire, je m'étais pour une fois pas perdu en chemin.

« Oh merde mais je suis où moi là ?! »

Si je trouvais que le reste de la ville était moche, là j'avais tombé sur le côté cimetière des éléphants de celle-ci, la lumière agressive, une musique j'en parlais même pas, il y avait même une pancarte pas très rassurante, bon j'avais quand même un peu de mal à la lire, mais j'en compris le sens. Bon logiquement j'avais perdu une fois tous mes amis, j'avais perdu ma terre natale et j'avais perdu mon corps, je voyais pas ce que je pouvais perdre d'autre, surtout que normalement eux n'étaient pas ici.

« Je sens que je vais détester ça ... »

Sur la table j'avais remarqué un truc plein de sang, il y avait des objets dedans, c'était mignon, je savais pas ce que c'était, mais j'en mis plusieurs dans ma poche. Ok, j'étais inutile au possible, mais j'en donnerais aux autres, peut-être qu'il aimerait ça, eux. Pour une fois j'avais pas prit une robe, j'en portais toujours, du coup je me suis dis qu'Aloy me reconnaitrait plus vite, mais j'étais pas franchement à l'aise, le short que j'avais appuyais sur ma blessure au ventre, finalement elle était pas si bien cicatrisé que ça … Et le bonnet j'avais toutes les secondes envie de l'arracher de ma crinière.

« … Pff faut vraiment que j'arrête mes idées à la con moi ... »

Je m'étais adossée à un mur après avoir regarder les autres personnes ici présente, déjà tous moches et en plus certain avait des odeurs étranges, je reconnu un reptile inconnu, semblable à celui de l'autre folle du zoo, non hors de question que je m'approche de quelqu'un capable de se transformer en un lézard géant et qui m'écrase la queue. Enfin peu de chance que je puisse redevenir lionne ici … Mais il y avait une odeur plus agréable, celle d'un animal qui me servait à l'époque de repas, mais j'avais promis à Nala de plus me jeter sur les gens et de tenter de les tuer. Dommage.

En regardant tout le monde, je vis que le maire était pas là, dommage, je connaissais personne et bien que maintenant je n'étais plus vraiment en bon terme avec lui, sa présence me rassurerait. C'était parfaitement contradictoire, mais lui je le connaissais, ça serait bien le seul ici. Ne parler à personne, l'attendre et le surveiller et tout devrait bien se passer. Je me sentais quand même pas très bien parmi tous ses singes sans poils vêtus de tenues des plus étranges. Finalement j'aurai dû entrainer quelqu'un avec moi … Me restait qu'à attendre en me laissant glisser contre le mur pour finir assisse, mettant mon sweat sur mes genoux et enfonçant mon bonnet sur ma tête pour être la plus discrète possible.